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Intelligence artificielle et musique : génie créatif ou génie sans âme ?

Dimanche 17 novembre 2024

L'essor de l'intelligence artificielle (IA) touche de nombreux domaines et celui de la musique n’y fait pas exception. Vous le savez sans doute, certains outils permettent de générer des morceaux originaux et personnalisés ou des visuels pour des pochettes d’album. D’autres facilitent les étapes de mixage et de mastering et en réduisent les coups financiers.
Si certains dénoncent une atteinte à l'authenticité et à l’émotion artistique, d’autres y voient un outil plutôt intéressant facilitant certains aspects techniques. À travers quelques témoignages de différentes sphères du monde musical, j’ai exploré la relation entre la musique alternative et l’IA.




Appauvrissant de l’authenticité artistique

Pour commencer, je précise que peu de personnes contactées ont répondu à ma sollicitation. Manque d’intérêt pour le sujet ou tout simplement pas concernées ?Quoiqu’il en soit, j’ai d’abord sollicité quelques musiciens pour connaître leur avis sur la question et il est plutôt clair. Damien Biasotto, guitariste de Condition Black
Condition Black


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, exprime un rejet fort par rapport à l’utilisation de l’IA. Pour lui, l’art est intrinsèquement humain et repose sur l’imperfection et l’imprévisibilité, éléments essentiels à l’expression artistique. « Créer une œuvre d'art, si modeste soit-elle, dit-il, c'est exprimer ce qu'il y a en nous. Confier cette tâche à une machine, c'est éliminer l'expression, l'émotion. On a du mal à voir en quoi l'IA enrichit la création dans la mesure où il s'agit, grossièrement, de prendre et réarranger des paramètres existants, des tics, des singularités. » Il ajoute que l’IA ne peut que réduire l’art à un produit facile à digérer, évitant les surprises et rassurant le public avec des œuvres consensuelles. À ses yeux, cela mène à une forme d’aseptisation de la musique, à un appauvrissement de la substance artistique, une voie qui finit par dénaturer la musique elle-même.



Lee Roye, batteur de Big Fat Lukum
Big Fat Lukum


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, approuve. Il est évident, pour lui aussi, que ce sont les compositeurs de musique consensuelle qui ont du souci à se faire. « Je pense à la musique de certaines catégories de jeux vidéo peu originaux ou très codifiés, par exemple, ou à la musique à but commercial qui doit répondre à un cahier des charges précis destiné à remplir des tiroirs caisses. » Lee Roye m’explique aussi que son groupe ne s’est jamais posé la question d’intégrer une IA dans ses compos car il n’en a jamais ressenti le besoin. « Notre façon de composer est encore des plus organiques, ajoute t-il. Nos suites d’accords n’existent que parce qu’elles nous procurent la juste émotion nécessaire à nos yeux à cet instant précis. Les breaks expriment la volonté d’interrompre une progression pour mieux la reprendre ensuite, y ajouter une couche de pesanteur ou de légèreté ou encore intégrer une extravagance rythmique selon ce que ça nous procure comme ressenti, etc. »

Escroquerie artistique

Christophe Macquat de Norna
Norna


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, ne veut pas non plus utiliser l’IA. Il aurait l’impression d’être coupable, imposteur, tricheur. Il ajoute : « Je suis un peu effrayé car je me souviens, quand une marque a sorti le premier simulateur d’ampli, on pensait que ça ne marcherait jamais. Dix ans plus tard, beaucoup de groupes l’utilisent sur scène. Donc, j’ai peur que la même chose arrive avec l’IA. Les acteurs musicaux devraient l’éviter. Si vous êtes à court d’inspiration, prenez une pause mais, s’il vous plaît, ne prenez pas la voie facile. »



L’IA peut aussi être utilisée au niveau du graphisme pour créer des supports visuels (pochette d’album, merch, réseaux sociaux, etc.). « Certains clients pour qui j’ai travaillé par le passé ont aujourd’hui recours à l’IA pour la réalisation de leurs artworks, explique Jean-Philippe Sonnet pour Threadbare Artwork (metal artworks design). J’ai d'ailleurs de moins en moins de demandes donc oui les jobs liés à la création visuelle sont confrontés à des difficultés. » Jean-Philippe ajoute que sa manière de travailler n’a pas changé depuis l’apparition de l’IA et qu’il n’a pas l’intention d’utiliser la génération d’images, d'œuvres à part entière car cela rentrerait en conflit avec sa manière de travailler ainsi qu’avec son style. « Et je préfère que les choses restent claires pour les clients qui me font confiance, dit-il. Une chose est certaine, ajoute Jean-Philippe, et c’est l’aspect qui m'interpelle le plus, c’est que nous n’aurons plus jamais la certitude face à une nouvelle réalisation, création humaine, que l’idée n’a pas été soufflée à son créateur par une IA. Cela soulève bien des questions. Est-on à l’aube d’une vague d'escroqueries artistiques ? »

Un outil qui peut être pratique

Au Noise Factory, Gérald Jans n’utilise pas l’intelligence artificielle dans son studio. Juste un plug in qui utilise une fonction d’intelligence artificielle pour faire des corrections légères automatiques des fréquences au fur et à mesure des morceaux. Ça sert à stabiliser le son. Gérald poursuit : « Je ne me sens pas du tout en danger sur le fait que je pourrais être remplacé par une IA d’A à Z. Quand on fait bien son métier, on amène quelque chose de très personnel, de très créatif. Pourquoi les gens viennent vers moi ? C’est pour avoir une écoute, une analyse, proposer et tester des choses basées sur mon parcours et mon expérience. Si un jour une machine ou une technologie fait aussi bien ou mieux que moi, il faudra que je trouve autre chose à faire. Ce sera à moi à évoluer et voir si je peux faire quelque chose avec elle. »

Michaël Sanfilippo (ex-The Link
The Link


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, ex-Animales
Animales


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) a aussi utilisé l’IA autour du dernier projet musical auquel il a participé (Animales
Animales


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) pour deux aspects : les visuels et les samples. Son but était de ne pas être restreint par des aspects financiers ou être frustré que le résultat ne corresponde pas à ses attentes. Michael pense sincèrement que si on se tient à l’essence même de ce qu’est la musique, il ne faut pas s’inquiéter. « Je ne crois pas qu’une émotion intense, de rage, de mélancolie, de révolte, d’amour, de tristesse ou de bonheur puisse être générée, composée et interprétée par autre chose qu’un cerveau, explique t-il. Ceux qui auront compris ça seront armés pour utiliser l’IA à bon escient, gagner du temps, de l’énergie, se concentrer sur ce qui compte vraiment dans le processus de création et éventuellement sublimer ce qui sort de leurs tripes. »

Faut-il protéger la création artistique contre l’IA ?


Michaël Sanfilippo poursuit avec un autre débat, celui des droits d’auteur. En juin 2024, la Recording Industry Association of America qui représente notamment Sony Music Entertainment, Universal Music Group et Warner Records, a porté plainte contre Suno et Udio, deux outils qui permettent de générer de la musique à partir d’une simple requête en langage courant. En avril dernier, c’est plus de 200 artistes (Billie Eilish, Nicki Minaj, Katy Perry, Smokey Robinson, etc.) qui ont appelé, dans une lettre ouverte, à mieux protéger la création et les droits des auteurs ''contre l’utilisation prédatrice de l’IA pour voler les voix'' des professionnels.

« Il faut clairement sécuriser tous les aspects autour du plagiat généré par l’IA, affirme Michaël. Ça inclut la mise en place de réglementations strictes pour protéger les droits d’auteur et la propriété intellectuelle des musiciens. » En parallèle, Michaël ajoute qu’il est crucial d’informer, d’éduquer, de vulgariser et de dédramatiser l’utilisation de l’IA dans la musique. Il met également en avant que, paradoxalement, c’est grâce à l’IA qu’on peut désormais protéger les musiciens contre le plagiat ou l’utilisation frauduleuse de leurs œuvres.



Pour Lee Roye de Big Fat Lukum
Big Fat Lukum


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c’est une idée difficile à envisager. « Quel serait le cadre, la portée de cette protection ? » s’interroge t-il ? Pour lui, l’idée même est presque empreinte d’un conservatisme difficile à intégrer quand on pense « art ». Il poursuit : « Cela voudrait dire que l’on s’impose de ne pas utiliser certains outils technologiques dans une volonté de pureté idéologique, c’est bizarre et selon moi c’est le contraire de la liberté artistique. Il vaut mieux une IA bien utilisée qu’un compositeur peu inspiré aux finalités triviales. »

En conclusion, les témoignages recueillis révèlent des positions souvent critiques envers l’IA. Plusieurs perçoivent une menace pour l’authenticité et l’intégrité de l’art quand d’autres y voient une opportunité pour simplifier des tâches techniques ou exploiter de nouvelles ressources.
L’intelligence artificielle, en s’immisçant dans le processus créatif, pose ou posera un défi majeur aux musiciens, artistes visuels et professionnels du secteur musical. Pour le moment, l’IA ne semble pas avoir trouvé beaucoup d’échos dans le monde alternatif dont l’ADN est composé d’émotions, de sueurs et d’imprévisibilités.

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Cet article a été rédigé par l’intelligence artificielle.

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AUTEUR : Isabelle
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière ve...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en ju...
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....
Ancienne journaliste notamment pour la presse régionale de la province de Luxembourg, elle a couvert, avec son carnet et son appareil photo, beaucoup de concerts et événements culturels et musicaux. Les conditions de travail des journalistes (qui ne sont toujours pas au top, soit dit en passant) ont fait qu’elle a réorienté sa carrière vers un autre secteur et qu’elle est devenue terriblement en manque… d’écriture. A rejoint l’équipe en juillet 2016....

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