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Finalement l'anarchie c'est quoi ?

Interview de bibo..


Mercredi 14 avril 2010

On voit fleurir des "A" sur les murs de nos villes, sur des T-Shirts de groupes, mais apparement on n'en sait pas grand chose...
Alors avant tout jugement, toutes réflexions, j'ai préféré m'adresser à Bibo. Il est membre du groupe Béton Armé, qui fait partie de la fédération Anarchiste.
Place à lui...


1) Peux tu me réexpliquer ce qu'est l'anarchie en 2010 ?

Vaste sujet !
L'anarchisme, en 2010 comme à n'importe quelle époque, c'est un mouvement qui vise à détruire ce qui nous opprime au quotidien. Ce qui est fondamental et original chez les anarchistes, c'est la volonté d'abolir les rapports de domination, de hiérarchie.
Alors pour l'anarchisme spécialement en 2010, je crois que c'est continuer à avancer dans cette direction, à être novateur aussi. L'anarchisme se réinvente aussi, dans l'évolution de ses réflexions, de ses méthodes. C'est un perpétuel laboratoire d'idées, et une expérimentation de pratiques diverses et variées.



2) En quoi tu la trouves intéressante et efficace dans le système dans lequel on vit ?

Si on devait faire court, on dira que ce qui est intéressant avec l'anarchisme, c'est que contrairement aux autre courants politiques, les anarchistes disent « on ne veut pas juste changer des règles du jeu : c'est le jeu qu'on veut changer ! ».
Pour nous, les aménagements du système actuel ne vont pas résoudre les problèmes. Accepter le jeu électoral, c'est accepter la domination. Accepter les hiérarchies dans les organisations politiques et syndicales « classiques », c'est aussi perpétuer des fonctionnements que nous jugeons néfastes.
Alors on va dire que ce qui nous motive n'est pas fondamentalement « l'efficacité », mais plutôt la manière de faire, et la direction vers laquelle nous voulons aller.
Là où c'est intéressant, c'est justement que l'anarchisme ne propose pas de solutions clé en main, de programme à appliquer à la lettre, comme les partis politiques classiques ou comme les religions. Dans le système actuel, l'anarchisme est un vrai poil à gratter : nos méthodes et nos idées impliquent des manières de faire, et des alternatives. S'auto-organiser, décider ensemble, mandater des gens pour des tâches précises, se fédérer, etc, etc. Voilà des pistes qui portent en elle-même un projet de société.



3) Quels sont vos cibles préférées en matière de lutte ?

Nous n'en n'avons pas. Et peut-être que ça aussi, c'est une spécificité.
Pour nous, la lutte contre le système carcéral, la lutte contre l'homophobie et tant d'autres luttes ne sont pas classées en luttes « prioritaires » ou « secondaires ». Ce qui nous touche, ce qui nous interpelle, ce qui nous révolte est multiple, varié. Et nous pensons que tout ceci est lié. Nous parlions plus haut de la hiérarchie, de la domination : on retrouve ces éléments dans la sphère privée, dans l'éducation, dans le monde du travail, etc.
Et puis quand tu parles de « cible », tu sous-entends ce que la plupart des gens pensent : l'anarchisme se limiterait à être anti-ceci ou anti-cela. Mais on n'est pas seulement dans l'anti : on a aussi des propositions, des pistes, qui, si elles ne sont pas forcément figées et prédéfinies, sont des alternatives. Parce que parfois, être juste dans « l'anti » masque, ou cherche à masquer, un vide politique. Nous ne nous construisons pas seulement dans l'opposition et la résistance : ce sont des aspects nécessaires, indispensables, mais pas suffisants.




4) A court terme, que pensez vous pouvoir changer de manière significative ?

Impossible à dire ! Notre impact, si nous en avons un de significatif, nous ne pouvons pas réellement le maîtriser. Par contre, il est clair que nous n'attendons pas la révolution pour déjà appliquer nos principes à notre manière même de militer. E force est de constater que certaines méthodes de lutte des anarchistes sont aujourd'hui craintes par les hiérarchies syndicales et politiques, mais souvent appréciées par la base : démocratie directe, mandats impératifs, auto-organisation des luttes … Bref, pour nous, la fin ne justifie pas les moyens, car ce type de logique mène à coup sûr aux pires horreurs. Par contre, quand les gens ont la possibilité de s'exprimer, de réfléchir, de s'impliquer dans des choses qui les concernent (habitat, nourriture, etc...), on se rend compte que les principes anarchistes séduisent. Et pas besoin d'avoir lu tous les grands théoriciens de l'anarchisme et de les connaître par coeur pour se sentir concerné et pour s'impliquer afin de décider de la manière dont on veut vivre.



4bis) Quelles seraient les actions à mener pour y arriver ?

Notre organisation diffuse un hebdomadaire, a une radio, des librairies, a une maison d'édition, des groupes et peu partout … Diffuser des pratiques, des idées, des références, susciter des réflexions, expérimenter, voilà ce qui fait avancer les choses, selon nous.
C'est un peu un travail de fourmis, une tâche de longue haleine, mais pourtant nécessaire : croire que d'un coup, spontanément, tout se transforme par magie en société libertaire, ça semble peu probable. Nous ne croyons pas à une révolution anarchiste spontanée, sortie de nulle part : il faut semer des graines ...



5)Quelles sont pour un anarchiste les plus grandes urgences en Europe, et dans le monde ?

Encore une fois, pas de priorité. Cependant, au risque de paraître un peu démago, c'est clair que des moyens de subsistance et la liberté sont le minimum pour chaque être humain, où qu'il soit.



6)Quelles sont actuellement, pour vous les plus grands défenseurs de l'anarchie ?

Chacun d'entre nous ! Chez soi, au boulot, dans des luttes, dans son implication locale, culturelle, etc. C'est ça aussi, notre force : des individus, des groupes, des collectifs, des organisations, des médias, … tout cela, chacun dans son domaine, enrichit les réflexions, les actes, les résistances, les propositions, les expérimentations ...



6bis) Vos projets en 2010 ?

En ce qui concerne notre groupe(le groupe « Béton armé », un des groupes parisiens de la Fédération Anarchiste), nous avons connu une croissance importante, assez rapide, et nous souhaitons maintenant aider d'autres groupes à se créer à Paris et en région parisienne. Pas mal de gens ont en recherche de contacts avec les anarchistes, et d'actions : tant mieux ! Mais maintenant, il nous faut aussi accueillir, expliquer, écouter aussi, parce qu'on pense que des gens qui n'étaient pas militants et qui ont l'envie de se bouger ont forcément plein de choses à proposer, plein d'envies.
Nous sommes une fédération de groupes autonomes rassemblés autour de pratiques et d'idées, pas une organisation politique classique. Donc souvent, les gens ont des idées reçues sur nous. Il faut donc expliquer, sans cesse. Finalement, les gens nous connaissent assez mal : ils nous aiment ou nous détestent parfois pour de mauvaises raisons. Nous, on souhaite que les gens, même s'ils ne sont pas d'accord avec nous, le soient au moins pour des raisons valables. Donc diffuser idées et pratiques, mieux se faire connaître, ça fait partie de nos projets pour 2010. Et puis bien sûr, nous continuerons aussi de gérer notre blog ( http://beton-arme.blogspot.com/ ), qui est le reflet de la vie de notre groupe.


7) Pourquoi devenir anarchiste ?

On pourrait surtout se demander comment ne pas le devenir !
Répressions en tous genres, ordre moral, machisme, racisme, oppressions religieuses, trahisons syndicales, pollution, abrutissement médiatique ... il y a tant de raisons de se révolter ! Et il y a tant de raison d'arrêter de croire que des gouvernants, quels qu'ils soient, veulent notre bien !
Les éditions du Monde libertaire (les éditions de la Fédération Anarchiste) avaient publié, il y a de cela quelques années, un livre aujourd'hui épuisé qui était composé de témoignages de personnes qui racontaient comment et pourquoi ils étaient devenus anarchistes. C'était passionnant et surtout, ça montrait qu'il n'y a pas de profil type pour devenir anarchiste. Nous sommes plongés dans une famille, une société … tout cela nous fait réagir. La révolte ne se décrète pas. C'est quelque chose d'épidermique. Mais parce que la révolte ne se suffit pas à elle-même, il faut ensuite ouvrir des perspectives. Pas seulement pour rêver, mais pour commencer à agir.

7bis) Peux tu nous expliquer ce qu'est la fédération anarchiste, et sa structure ?

La Fédération Anarchiste est une structure non hiérarchisée : on y trouve des groupes, des liaisons (c'est à dire des petits groupes en train de se constituer), et des individus isolés (par choix ou non). Tout cela est autonome et fédéré autour d'une sorte de « pacte commun », autour des idées de base de l'anarchisme. C'est ce que nous appelons nos « principes de base ». L'idée est de rassembler des moyens, de s'unir pour être plus forts, sans que cela se fasse de façon hiérarchisée et autoritaire.
C'est comme ça que la FA a pu avoir un journal, une radio, des éditions, des locaux, produire du matériel de propagande : nous ne sommes pas plus fortunés que les autres mouvements, mais cela est possible parce que nous sommes organisés et solidaires. Et puis nous faisons attention à ce que nous faisons, nous sommes anarchistes, mais très organisés.
La façon de militer à la FA est déjà une expérimentation de nos principes : fédéralisme, autogestion, mandatements, … tout cela n'est pas toujours simple, ni évident, car même si nous sommes anarchistes, nous avons été élevés, et nous vivons au coeur d'une société qui ne l'est pas. Mais c'est intéressant de se confronter à ces difficultés. Il y a beaucoup à apprendre en agissant ainsi.
Les lecteurs pourront trouver nos « principes de base » ici : http://www.federation-anarchiste.org/spip.php?article130 , et puis plus globalement, le site de la FA : http://www.federation-anarchiste.org .



8)Que pouvez vous proposer à un lecteur qui serait séduit par vos pensées ?

Lui proposer de rencontrer des gens impliqués dans le mouvement anarchiste. De se faire une idée par lui-même : les anarchistes sont d'une riche diversité. Il faut en profiter pour s'y confronter et prendre le temps de trouver des gens, des modes de lutte qui lui conviennent.
Il n'y a pas de formule magique pour changer le monde. Il faut se méfier des dogmatismes, des guerres de chapelles, des règlements de comptes, des mesquineries elles aussi parfois présentes dans le milieu militant. Il y a plusieurs organisations qui se réclament plus ou moins clairement de l'anarchisme. A chacun de se faire son idée, et de choisir où aller militer. Pour nous, la F.A. Est un outils d'expérimentation et d'action, de réalisations. Nous y reconnaissons toutes les tendances de l'anarchisme social (communisme libertaire, anarcho-syndicalisme, individualisme social …).
L'anarchisme doit être une école où on apprend en permanence, à la fois au niveau théorique et pratique : on y apprend des choses, on y apprend à faire des choses, on échange, on transmet. Il y a tant à faire et dans tant de domaines, ,,,



9) Les coups de gueule d'un anarchiste en 2010 ?

Il y en a trop !


http://www.federation-anarchiste.org/



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