Depuis de nombreuses années, l'univers métal s'imprègne et se nourrit copieusement des différentes recherches effectuées par les compositeurs dits «classiques». Que l'on écoute les travaux de Helmut Lachenmann, de Brian Ferneyhough, de Pierre Schaeffer ou plus récemment de Raphaël Cendo, qui, tous, ont étudié, depuis les années 50, les phénomènes de saturation, de distorsion ou de musique concrète, et l'on comprendra que Dylan Carlsson n'a rien «inventé» en sortant Earth2 en 1993.
Il arrive, inversement, que des musiciens classiques, dotés d'un cursus classique et évoluant dans des structures musicales classiques proposent un projet qui ne devrait pas perturber les amateurs de métal ouverts aux expériences extrêmes.
Voici venir VMTHANAACHTH
VMTHANAACHTH
, quatuor de jeunes compositeurs issus de Fort Worth, Texas, qui sort un premier album intitulé Fit Secundum Regulam. Trois titres, dans leurs genres, très aboutis; trois progressions différentes pour une même démonstration finale: le métissage musical contemporain entre le classique et l'expérimentation extrême a donné naissance a un très beau bébé. Qu'il soit appelé «classique d'avant-garde» ou «métal expérimental»... Peu importe.
Guitare, piano, clavier, saxophone ténor, basson, clarinette, violon, violoncelle et percussions sont joués, arrangés et programmés par nos très audacieux amis texans de VMTHANAACHTH
VMTHANAACHTH
. Audacieux en effet ce premier titre de 18 minutes, For the End of the Mother of Abominations, tout en saturation, qui évoque le meilleur du drone métal; plus audacieux encore, At the Mouth of Urborg-Coruscating Bicarbonate Skeuomorph (20 minutes) qui ose une introduction piano, qui nous fera penser à un thème de la «Musica Ricercata» de György Ligeti, sur un arrangement cordes / cuivres très angoissant qui rappellera le travail de Giacinto Scelsi, avant de verser, sans prévenir, vers un nouveau sommet de distorsion saturée.
Audace enfin que ce dernier accomplissement, Dark Wiccan, (18 minutes) qui réussit à pousser à bout chaque instrument (saxophone et basson en avant) dans une seule et grande contorsion vers l'infini. L'on pense à Penderecki, à Lutoslawski et même à Peter Brotzmann («Machine Gun») mais surtout l'on ressent l'envie et le besoin de réécouter tous ces grands noms pour réaliser, peut-être, l’incroyable mais irrémédiable effacement des derniers clivages existants avant d'atteindre enfin le bout du chemin... là où la musique est universelle, sans étiquette.
Un disque fascinant, exigeant mais un disque pour tous.