S'atteler à la rédaction de la chronique d'un album de JUTE GYTE
JUTE GYTE
peut rapidement s'apparenter à un labyrinthe infernal pour toute personne désireuse de rendre compte objectivement de la complexité absolue d'une œuvre difficile d'accès.
Car en effet, depuis dix ans, Adam Kalmbach (Missouri), créateur et artisan unique du projet JUTE GYTE
JUTE GYTE
(tous les instruments, vocaux, production...), n'a eu de cesse de donner libre cours aux plus incroyables velléités expérimentales. Qu'il s'agisse de productions «avant-garde black metal» (12 albums) ou «avant-garde électronique» (13 albums), JUTE GYTE
JUTE GYTE
fait montre d'une audace sonore qui donnerait le vertige aux musicologues les plus avertis: canon, fugue, dissonances multiples, contrepoint, polyrythmie, disharmonie et surtout utilisation de micro-tonalités sont la base de travail. Si l'on y ajoute une foule de références littéraires et musicales, l'on pourrait se laisser décourager par le caractère hermétique de l’œuvre.
Fort heureusement, Adam Kalmbach a toujours la bonne idée de divulguer, sur le bandcamp du groupe, ses notes de travail et quelques réflexions utiles qui permettent à l'auditeur de pénétrer chaque album avec une clé de lecture rare; si proche de l'intimité culturelle de l'artiste.
Avec Perdurance, dernier opus en date, il ne déroge pas à la règle. Six titres complexes où Kalmbach dit expérimenter de multiples tempi simultanés (parfois quatre, créant par la-même des dissonances originales), des rythmes et métriques rares en black metal ou encore des adaptations «micro-tonales» de thèmes classiques du 19ème siècle.
Mieux, pour la première fois, aux guitares, basses, drums 808 programmés et growls classiques black-metal, JUTE GYTE
JUTE GYTE
, avec Perdurance, ose mixer certains thèmes, certaines programmations electro/elecro-noise. Les univers commencent à se mélanger. Le métissage musical est proche.
Adam Kalmbach va plus loin, comme d'habitude, en dévoilant ses inspirations textuelles: As the limit of fertile land est inspiré d'un écrit de Pierre Boulez, I am in Athens and Pericles is Young d'une nouvelle de Frank Belknap Long et Consciousness is nature's nightmare d'un texte de Cioran.
Grâce à ces commentaires, à ces didascalies méta-musicales, le travail de JUTE GYTE
JUTE GYTE
s'entrouvre davantage et permet une écoute encore plus concentrée, plus érudite.
Un album complexe fait de ruptures, de contradictions sonores, d'oppositions rythmiques mais qui touche au but une nouvelle fois: stimuler et questionner nos facultés d'auditeur! Que demander de plus...
Et puisque cet album cite une réflexion de Cioran sur la conscience, nous pouvons répondre à Adam Kalmbach, pour l'encourager à garder le cap, par une phrase de René Char: «La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil».