Créé en 2006 par J.R. Robinson, en référence au génial réalisateur hongrois Béla Tarr, Wrekmeister Harmonies
Wrekmeister Harmonies
possède la particularité d'être un collectif musical au sens le plus pur du terme ; chaque album est un projet artistique autour duquel J.R. Robinson (Chicago), seul musicien permanent, rassemble, en fonction de sa vision de l’œuvre à venir, les membres des groupes les plus enclins à valider l'idée musicale de manière transversale. You've Always Meant So Much To Me en 2013, Then It All Came Down en 2014 et le plus que parfait Night Of Your Ascension en 2015 ont réuni, pêle-mêle, des membres de Einstürzende Neubauten
qui, au côté de J.R. Robinson, ont mené vers des sommets insoupçonnés les transcriptions musicales de thèmes illustrant l'ambivalente noirceur des âmes humaines...
Car cette transcription est, depuis bientôt dix ans, la quête infinie de Wrekmeister Harmonies
Wrekmeister Harmonies
, et la sortie de leur nouvel opus, intitulé Light Falls, ne fait que conforter le maître des lieux dans son aptitude à adapter le fil conducteur de son expérience musicale, aux grés des thématiques transcrites par cette dernière. Light Falls s'inspire du fameux texte Si c'est un homme de Primo Levi dans lequel, guidée par un style sec et distancié, affleure l'idée presque transcendantale de l'inhumanité qui s'installe, profitant des lents changements insinués par les horreurs récurrentes de la vie quotidienne dans les camps. Alors les victimes acceptent, sans le savoir, l’inacceptable. Elles vivent, sans le vouloir, l'invivable.
Alors que Primo Levi dit froidement l’indicible, les imperceptibles changements des interminables répétitions qui mèneront l'humain vers sa définitive aliénation, Wrekmeister Harmonies
Wrekmeister Harmonies
transcrit en musique cette lente dérive par un subtil parallèle allégorique : le passage de la lumière du jour à l'obscurité de la nuit... L’œil observe la lumière, de moins en moins prégnante, et s'habitue doucement aux ténèbres. C'est déjà la totale obscurité mais il est trop tard ; l’œil n'en n'a pas appréhendé la transition. Tel est le thème de Light Falls.
Pour attaquer ce terrible défi, J.R. Robinson (voix et guitares) et sa fidèle acolyte Esther Shaw (claviers, piano, violon, voix) se sont entourés d'une équipe plus restreinte que par le passé ; ce sont Sophie Trudeau, Thierry Amar et Timothy Herzog, des formidables québecois de Godspeed You! Black Emperor
. Light Falls I – The Mantra, pièce d'ouverture, donne la mesure des influences assimilées pour une finalité hypnotique : guitare et clavier façon krautrock (on entend Can
Can
, Faust et bien sur Robert Fripp première époque), vocaux roboratifs - « Stay in, go out, get sick, get well, light falls » - (le Screen shot de Swans
Swans
n'est pas loin), cordes allongées vers un ambient-drone tout en légèreté. La prière quotidienne et répétée du prisonnier des camps infernaux. Les jours identiques. L'aliénation en route. Et toujours, comme un marqueur du temps, le coucher du soleil. Light Falls II – The Light Burns Us All et l'apparition des drums pour souligner le rythme usant ; les guitares s'enhardissent. La lumière. La nourrissante lumière. La lumière brûlante... Et puis le break rythmique ; Light Falls III – Light Sick oublie les drums et se souvient du matin, lorsque la lumière fut. Quand les drums explosent, tenus par la lourde guitare de J.R. Robinson, il est déjà trop tard : l'obscurité, sans avertissement. Comme toujours.
Et puisque J.R. Robinson aime superposer les thématiques dans ses œuvres musicales, c'est Where Have You Been My Lovely Son, référence à la vie personnelle de l'artiste et pièce centrale de l'album, qui étire son drone-ambient aux limites de l'envoûtement. Fort heureusement, Some Were Saved, Some Drowned, drums en tête, vient brutalement rompre les habitudes rythmiques et régler les conflits. Le leader de Wrekmeister Harmonies
Wrekmeister Harmonies
hurle. Il le faut, car si l'être humain semble être capable de s'habituer à tout, même à l'innommable, J.R. Robinson, quant à lui, veut continuer à lutter... à côté.
Est-il besoin de préciser que cet album est un chef-d’œuvre ?
Tags : Drone, ambient, post-métal
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