Nous aurons, ce jour, une pensée émue pour une petite tribu nomade, vivant au cœur du désert de Gobi, qui, privée de toute connexion internet, n'est pas informée de la sortie, ce 30 septembre, de Rheia, nouvel album des belges de Oathbreaker
Oathbreaker
. Car il faut bien en convenir,
Deathwish Inc.
, qui a signé nos amis gantois depuis la sortie de Maelstrom en 2011, a réalisé, depuis plus d'un mois, un travail marketing de fond très (trop?) appuyé pour avertir la sphère métal (et au-delà) de cette nouvelle parution: multitude de tweets et posts quotidiens, défloraison au compte goutte des titres disponibles sur le bandcamp du groupe... Le raz-de-marée promotionnel de cette rentrée !
C'est bien connu, trop de marketing tue le marketing... Soit. C'est un brin agacé que nous écoutons Rheia pour la première fois. OK. Bon, d'accord. Coup de fil* à Jacob Bannon : « Salut Jacob, écoute, heuuuh, désolé pour l'intro de cette chronique, Rheia a l'air tout bonnement sublime. T'avais raison de le pousser à ce point... Pas de souci ? Ok. Comment ? Si on va toujours voir les Patriots dimanche prochain ? Je vérifie si je suis libre et je te rappelle... A plus Jac. »
C'est que Oathbreaker
Oathbreaker
a bien évolué depuis leur premier EP en 2008. D'un hardcore chaotique clairement influencé par les leaders du genre (Converge
), les gantois ont ouvert une première fenêtre d'évolution avec Maelstrom où les voix claires et les riffs post-black métal s'insinuaient, par petites touches. Une évolution plus évidente avec Eros / Anteros en 2013, où les deux styles se mélangeaient davantage, pour notre plus grand bonheur, et aujourd'hui, Rheia, qui confirme avantageusement cet élan, et de quelle manière !
Choisir Jack Shirley pour la production et le mixage donne immédiatement le ton et laisse imaginer ce vers quoi Oathbreaker
Oathbreaker
souhaitait évoluer.
C'est au niveau du mixage que Jack Shirley marque le plus son territoire: les titres où les arrangements « vocaux hurlés » - rythmique post-black se taillent la part du lion sont mixés de façon «plate», équitable. Second Son of R., Needles In Your Skin et Immortals ne peuvent que nous faire penser à Deafheaven
Deafheaven
et à la manière dont le producteur a contribué à créer leur son. Mais quelle maîtrise!
Car c'est ici l'une des principales valeurs ajoutées de Oathbreaker
Oathbreaker
: la gestion des différentes structures musicales atteint, sur Rheia, un niveau rarement égalé. Comme si le groupe s'était réapproprié les caractéristiques du modèle sonate (en musique classique) pour les déconstruire et en tirer avantage. Un seul exemple suffira: sur Second Son of R., si A est un bloc «vocaux hurlés» et rythmique post-black, si B est un bloc «voix claire» et rythmique hardcore, alors le titre se construit comme suit: A-B-A-bridge-B'-bridge-A' (les « ' » marquant les fusions des genres). Du grand art! D'autant plus grand que la maîtrise technique est plus que jamais au rendez-vous: les guitares de Lennart Bossu passent avec volupté de la plus calme atmosphère au riff black-métal le plus épais, Gilles Demolder continue à pousser sa basse dans ses derniers retranchements et Ivo Debrabandere atteint aux drums un niveau proche de la perfection (on pense même quelquefois qu'il y a un autre batteur présent sur cette session studio).
Et Caro Tanghe? Rheia est le révélateur définitif de son immense talent. Jamais elle n'avait usé à ce point d'un spectre vocal aussi large, aussi surprenant. Elle peut hurler, avec classe, ça on le savait. Elle peut faire usage d'une voix claire, on ne l'ignorait pas non plus. La surprise vient de l'amplitude de cette voix «claire» : quasi susurrée sur I'm Sorry, This is, plus atmosphérique, façon Bat For Lashes
Bat For Lashes
, sur Where I Live, vaporeuse sur Where I Leave et Begeerte (on reconnaitra peut-être Hope Sandoval et Mazzy Star) et enfin, démoniaque, telle Diamanda Galas, sur l'outro de Second Son of R....
Un mot encore à propos de la splendide cover; Réa (ou Rheia), dans la mythologie grecque, est la mère de tous les Dieux, celle qui, selon Homère, fit avaler à son époux Cronos une pierre entourée de linge pour le tromper afin qu'il ne mange pas leur dernier né, Zeus. Doit-on voir, avec cette cover d'un poing enroulé dans un voile de soie, la métaphore de la savoureuse enveloppe qui sait si bien faire ingurgiter la violence du contenu ? A creuser...
Voici un groupe qui, depuis ses débuts, a brillamment réussi la gageure d'évoluer à son rythme en faisant mouche à chaque fois, et qui, quasi affranchi qu'il est de l'influence primale de Converge
Converge
, nous donne avec Rheia une démonstration de son style « 3.0 ».
Qu'il suffise de se souvenir des lyrics de Maelstrom, sur l'album du même nom - Have you ever seen the breaking waves changing everything... I have – pour comprendre qu'avec Oathbreaker
Oathbreaker
, l'évolution fait partie du contrat.
Brillant...
*Même pas mytho...
Tags : Post-black, hardcore chaotique
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