Chronique

AARA
En Ergô Einai

Debemur Morti Productions

5 titres - 33'50''
Sorti le 03-04-2020

Mardi 7 avril 2020

Décidément, la Suisse peut révéler des sonorités bien intéressantes… Deux silhouettes drapées de rouge pourpre, coiffées d’un masque vénitien du 18e siècle, qui se font appeler Berg et Fluss. Montagne et Rivière, pour celles et ceux qui maîtrisent l’allemand. Le premier s’occupe de tous les instruments, le second donne de la voix et pose les paroles sur papier. C’est tout… Vous n’en saurez pas plus. Alors, autant s’attarder sur la formation en elle-même : Aara

Aara

Clique pour voir la fiche du groupe

viendrait sûrement d’Aare, du nom de cette importante rivière qui traverse la Suisse. Lancé en 2018, le groupe sort un premier LP l’année d’après, So fallen alle Tempel, suivi d’un EP d’un titre, Anthropozän.

C’est par des notes diffuses et aériennes de guitare que débute En Ergô Einai, leur second album studio marquant en outre leur entrée au sein du label français Debemur Morti Productions . Les oreilles les plus affutées auront peut-être reconnu la patte de Vindsval, chanteur et guitariste de Blut Aus Nord

Blut Aus Nord

Clique pour voir la fiche du groupe

et Yerûselem. Après un peu moins de deux minutes, la machine à blast s’en mêle, les guitares soutenues prennent part au jeu et arrive de nulle part la voix aigüe et écorchée, en arrière-plan, de Fluss. S’opère de suite une alchimie très intéressante, celle de la tension entre les mélodies douces et mélancoliques d’une part, et la violence des blasts et la hargne du chant d’autre part. Un délicieux équilibre, qui pourrait faire passer la pire des horreurs comme quelque chose de beau et de séduisant. Les riffs sont clairs, incisifs et optimistes. Ils sont également narratifs et offrent un voyage tout au long de chaque composition. Même la batterie semble ronde, donnant l’impression de naviguer paisiblement sur une barque, en admirant un paysage en feu et qui se déchire.

Nos deux Helvètes se réclament du siècle des Lumières, de cette incessante quête de la perfection tout en se retrouvant face à la nature finie de l’homme et de ses créations. Une perpétuelle tension entre l’aspiration transcendantale et le plafond de verre humain, déclinée en cinq morceaux pour un peu plus d’une demi-heure contemplative et émotionnelle. Une très belle découverte, où décidément l’étiquette de black metal atmosphérique peut recouvrir des réalités bien différentes. Celle-ci en est une valeur sûre, maîtrisée et recherchée, qu’il sera intéressant de suivre.