Interview

MASS HYSTERIA

il n'est plus question d'arrêter

Mercredi 27 mars 2019

''Coach… interview!'', crie le tour manager de Mass Hysteria

Mass Hysteria

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dans les couloirs de la salle bruxelloise de la Madeleine. Il s’adresse à Yann, guitariste du groupe, mais aussi coach sportif en dehors de ses prestations musicales. En tournée pour défendre leur dernier album, Maniac, Yann, mais aussi Fred, également guitariste de la formation, ont tous deux répondu à quelques-unes de nos questions.

Au menu : sortie de la sphère négative, la fin d’une trilogie, le politiquement correct, les gilets jaunes, les carrés VIP, Contraddiction et un side-project. Entretien-fleuve.

La dernière fois où nous nous étions vus, c’était en novembre 2015 au Reflektor de Liège, lors de la tournée de l’album Matière Noire. À cette époque, ce n’était pas très clair ce que vous comptiez faire après ces dates. Il était question d’un break plus ou moins long, voire même ne plus revenir du tout. Et finalement, vous revoilà aujourd’hui. Que s’est-il passé?

Yann : ça dépendait surtout de notre chanteur, Mouss, qui a eu un petit passage à vide. Au moment de sortir l’album, il nous avait annoncé qu’il voulait arrêter. On a tous des passages dans notre vie où on n’est plus trop sûr… Et puis finalement, la tournée de Matière Noire a commencé et ça c’est plutôt très très bien passé. Du coup de son côté… ça a été mieux! Il est aujourd’hui complètement revenu sur ce qu’il avait dit!

C’est donc la tournée qui lui a permis de rebondir? Ça lui a redonné confiance?

Y : c’est ça ouais… il en avait un peu ras le bol et remettait beaucoup de choses en question. Après, il aurait certainement mieux répondu que moi (ndla : l’interview était au préalable prévue avec Mouss, mais c’est finalement Yann et Fred qui se sont prêtés au jeu). L’album Matière Noire et la tournée qui a suivi ont cartonné. Et puis ici on vient de sortir Maniac, ça marche aussi plutôt bien. Il n’est donc plus question d’arrêter. L’ambiance dans le groupe est aussi géniale, ça aide. Et puis… (silence) plus on vieillit, plus on se dit : qu’est-ce qu’on ferait d’autre de toute façon?

Peux-tu me décrire justement dans quel état d’esprit vous étiez lors de la composition de ce nouvel album?

Y : on l’a fait à la cool. Les compos se sont faites très vite.

Fred : on a fait deux séries de préprod», une en octobre et l’autre en février. À chaque fois deux fois dix jours.

Y : et puis entre-deux, on répétait évidemment. Ça a été vite, on avait beaucoup de riffs en stock.

Des riffs qui étaient de l’époque de Matière Noire?

Y : non, du tout. Y a même des trucs qui sont venus spontanément, lors de ces préprods. Mais bon, après on s’est bien pris la tête sur la production. Et puis on a essayé de faire du mieux possible, comme on fait tout le temps en fait. On est dur avec nous-mêmes et on essaye de pousser le truc au maximum. À chaque fois qu’on finit un album, c’est la même chose, on ne sait plus si c’est bien ou pas. Et puis il se trouve qu’au final ça plait plutôt pas mal…

Je posais cette question, car Matière Noire avait été très bien reçu par la critique et qu’il n’est jamais facile de sortir un nouvel album quand la barre avait précédemment été mise assez haute…

Y : oui, bien sûr, il y avait de la pression. Mais avec un peu de recul, je pense que ce nouvel album a encore été mieux reçu que Matière Noire. Après, je t’avoue qu’on a fait un peu le tour de ce type de compos là. Pour le prochain album… enfin pour le moment on n’y pense même pas, mais…

(je le coupe) Tu commences ta phrase par «pour le prochain album», tu commences donc à déjà y penser…

Y : Oui… (il réfléchit) En fait, je n’ai pas envie de refaire encore la même chose. Il y a une espère de trilogie L’armée des Ombres — Matière Noire — Maniac qui se termine là. Ici on a commencé à amorcer un nouveau chemin avec des titres comme Arômes Complexes ou L'Antre Ciel Ether, c’est une direction que j’aime bien. Un truc un peu influencé par le rap un peu trap, on pourrait imaginer quelque chose de plus trap metal. Et puis tu sais quoi, je t’en parle comme ça aujourd’hui et puis ça n’aura au final rien à voir (il rigole). On n’y est pas du tout.

(je prends l’album Maniac en main) Pourrais-tu donner ton interprétation de la pochette? Pourquoi y retrouve-t-on une femme asiatique? Pourquoi est-elle aveugle et ses lèvres cousues?

Y : on a mis du temps à se décider… moi je suis fan d’un tatoueur qui s’appelle Jean-Luc Navette. Et il a notamment fait deux portraits dans le style, on tu as une femme avec des yeux blancs et la bouche cousue. On s’est juste inspiré de ses dessins. Et puis le côté asiatique, c’est en fait un clin d’œil à un précédent album, Contraddiction, où la petite fille de la pochette était asiate. On s’est dit tiens vingt ans après, ça pourrait être elle… Et finalement le fait qu’elle ait la bouche cousue, c’est une référence au fait qu’en France, et même dans le monde d’ailleurs, il n’y a pas encore d’égalité entre les hommes et les femmes. Pourquoi une femme touche moins qu’un homme pour le même travail? C’est un peu le message qu’on y retrouve…

En voyant la pochette, je me suis aussi posé une question… à l’heure aujourd’hui du politiquement correct, quand on doit faire attention à tout ce qu’on dit, mettre une personne d’origine asiatique et écrire en dessous «Maniac» (ma-niak), il fallait oser, non?

Y : Ah, mais carrément…!

F : En fait, on n’a pas fait gaffe!

Y : moi on m’a fait la réflexion par après… je n’avais absolument pas fait le lien! Je vais t’expliquer : Maniac, c’est venu de Mouss, quand il faisait une espèce de yaourt en répet, il n’arrêtait pas de répéter dans le micro : maniaque! maniaque! Et je me suis dit que ça tuerait comme nom d’album. Je n’ai jamais pensé à faire de référence à une quelconque origine asiatique…. (il rigole)

Pourrais-tu aussi m’expliquer ce qui se cache derrière le dernier morceau de l’album, We Came To Hold Up Your Mind? C’est un peu un ovni…

Y : Ben non, pas trop! Quand tu écoutes Le Bien-Etre et la Paix et Contraddiction… Moi j’allais faire les machines chez Pascal, notre sampler. On faisait beaucoup de boucles et puis dessus on mettait des riffs. Maintenant, ça faisait des années qu’on n’avait pas composé comme ça… sauf pour ce morceau-là! C’est donc un peu du Mass Hysteria

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à l’ancienne… Les gens qui nous connaissent depuis le début ont sûrement compris que c’était un peu comme un retour aux sources. Le fait après que le titre soit en anglais, ça vient entre autres du fait qu’on ait mis au début cette intro de Tarantino. Je crois que c’est Mouss qui a eu l’idée du titre, on trouvait que ça sonnait mieux en anglais. Et puis comme on a un Anglais avec nous maintenant… (ndla : il fait référence à Jamie Ryan, bassiste arrivé en 2017)

En relisant les paroles, je lisais sur le morceau Chamane Acide : A vingt ans, on vote comme on vit, avec son cœur. À quarante ans, on vote on comme vit, avec rancœur. Est-ce que c’est vraiment le cas encore aujourd’hui? Je prends l’exemple des gilets jaunes, qui manifestent encore en ce moment même, est-ce que les manifestants de 20 ans votent vraiment encore avec le cœur et pas avec rancœur?

Y : en fait… à cet âge-là, tu es vachement plus insouciant. À vingt ans… Moi je n’ai jamais été très politique, Mouss l’est beaucoup plus que moi. J’ai toujours pensé que c’était un monde d’escrocs et j’ai toujours fait ma vie sans me soucier de tout cela. J’ai vécu mon enfance avec des parents qui se battaient pour la politique et finalement, mon père je l’entends encore dire : ça fait 60 ans que je vote et ça n’a jamais rien changé. Et moi je pense comme ça depuis le début. Mouss, lui, est beaucoup plus engagé là-dedans, mais… pas qu’il me dise que j’avais raison, mais il en arrive petit à petit à ce bilan-là… Il n’en a plus trop envie d’en parler en ce moment. Mais c’est quand même cette idée qu’à 20 ans, tu espères que ça va changer quelque chose, mais à 40 ans, tu te rends compte que c’est de la merde et que ça le sera toujours. La politique, c’est une élite de gens qui a fait des études pour être là-haut. Ce ne sont que des menteurs, moi c’est du moins comme ça que je vois ça. Mouss finit par les voir comme ça aussi… Pour vivre le mieux possible, il faut essayer de faire les choses correctement à son niveau. Tu sais, tous ces gens-là, une fois qu’ils sont là-haut… ce sont tous des avocats comme Sarkozy, des financiers comme Macron… ils n’ont pas envie de redescendre d’où ils sont, ils sont très bien là-haut. C’est qu’une bande de menteurs qui font croire à des choses.

C’est quand même interpellant, quand on voit qu’aujourd’hui à Paris, l’armée était de sortie en nombre et qu’ils avaient même autorisation de tirer si ça dégénérait…

Y : Tu sais, moi je regarde ça de loin.

F : Nous on voit tout ça du van… Et puis on fait tout un foin avec le Fouquet’s qui a brulé, mais pendant ce temps-là, tu as des trucs horribles qui passent à l’Assemblée Nationale, comme la privatisation de l’aéroport de Paris! Même ça ils l’utilisent à leur escient, il y a bien plus important qu’un restaurant qui a pris feu! Mais on ne se rend pas toujours bien compte, on n’est pas au front parmi les gens qui se battent. Et puis il y a ; aussi des choses qui n’ont pas de sens non plus. Au final, quand des gilets jaunes commencent à casser des trucs, qui paie au final? Ben c’est nous!

Y : au début, je supportais à fond les gilets jaunes! Je me disais qu’ils avaient bien raison de faire ça! Mais… en'68, il y avait de réelles revendications. Ici, tu ne sais plus trop au fait ce qu’ils demandent… Un chef d’entreprise va dire qu’il a trop de charges, le smicard va dire qu’il ne touche pas assez. Mais si le smicard peut toucher de l’argent, c’est parce que le chef d’entreprise paie des charges… C’est le serpent qui se mord la queue. Et pourtant, je suis d’accord avec eux : les gens touchent de moins en moins et pourtant tout augmente, tout le temps. Je suis un peu loin du combat des gilets jaunes tout en étant dans la même situation. Je supporte leur mouvement, mais je suis archi-contre les casseurs.

F : il faut reconnaître qu’il y a aussi beaucoup de casseurs. La fois passée, 5000 sont descendus sur Paris. Ça n’a plus rien à voir avec les gilets jaunes… Tu sais quand on parlait de rancœur, on a quand même les partis extrêmes qui ne cessent de monter en France. Donc, au final, quand tu dois voter, ce n’est pas spécialement pour le candidat que tu aurais choisi, mais pour éviter le pire… Mais donc c’est vrai, à 20 ou 40 ans, le problème est le même! Mais cette montée d’extrême, tu peux le voir un peu partout…

Y :… et puis quand tu vois ce qu’ils vivent au Venezuela, tu te dis que tu ne vis au final pas si mal que ça. Le Président, il a quand même coupé l’électricité à son peuple et tout le monde crève de faim!

Bon, je reviens à la musique de Mass Hysteria

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. Lorsque vous êtes en processus d’écriture, est-ce que vous pensez déjà à comment les morceaux vont être reçus en live?

Y : je pense surtout à ça! Je pense beaucoup plus aux live qu’aux albums en eux-mêmes. Je veux toujours que ça tue et que ce soit efficace.

Sur le morceau L’Antre Ciel Ether, on peut entendre : nous fait pas chier avec un coin VIP, notre coin VIP c’est le pit. Est-ce que vous pouvez jurer que, lorsque Mass Hysteria

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aura 30 ou 40 ans de scène, il n’y aura toujours pas de carré VIP?

Y : (il rigole)… ah ben non! Après… comment expliquer ça… quand tu commences à entrer dans certaines sphères, comme Shaka Ponk

Shaka Ponk

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, à faire des scènes de 20.000 personnes, tu as peut-être envie par exemple que tes amis soient bien mis. Mais bon en même temps, nous on ne fait pas partie de ce truc. Mouss encore moins! Bon, moi je ne vais pas cracher dans la soupe, je fais parfois certaines soirées privatisées dans le Paris 8e. Se retrouver en soirée avec les gars de Metallica

Metallica

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, c’est quand même cool. Après, Mouss, il est vachement moins que nous là-dedans, donc je pense qu’il restera intègre avec ça.

F : attends, si un jour on a un carré VIP, ce sera pour inviter nos nanas, nos enfants, nos parents, notre famille.

Y : quand j’invite ma mère à l’Olympia, je la place bien. C’est comme ça.

Mais ce n’est donc pas pour vendre des tickets à trois fois le prix…

Y : ah ça non! On nous l’a déjà proposé, tu sais. Mais c’est hors de question. Les meet-and-great, payants et tous ces trucs-là, ce ne sera jamais pour nous. (ndla : le groupe peut avoir quand même quelques caprices. Après le concert, un contrat nous obligeait vis-à-vis du label de faire valider les photos prises pendant le concert, avant publication. Deux photos, pourtant tout à fait valables, ont été rejetées à la demande du groupe).

Vous jouez ce soir à la Madeleine… En dehors des festivals, c’est la plus grande salle que vous ayez faite en Belgique?

Y : en effet, c’est bien cela! Et en plus je pense que c’est quasiment complet… On est ultra content et même impressionné. Hier, on a joué au Luxembourg et c’était la folie. On ne sait pas ce qui se passe, mais c’est cool en tout cas!

Par contre, pour le moment, c’était la seule date officielle en Belgique?

Y : oui, mais d’autres arrivent… on sera notamment bientôt à Namur (ndla : ce sera le 29 juin au Verdur Rock, à Namur)

Cette année, cela fera aussi 20 ans que l’album Contraddiction est sorti. Un album symbolique puisqu’il a vraiment permis à Mass Hysteria de décoller… Pourrait-on alors imaginer quelques dates où l’album serait joué en entier?

Y : je ne sais pas, on n’en a pas vraiment encore parlé. Tu sais… on l’a déjà fait dans le passé. Ça fait tellement longtemps qu’on tourne, il y a des morceaux qu’on a vraiment oubliés. Il faudrait se les réapproprier à nouveau… mais pourquoi pas? Ce n’est en tout cas pas prévu pour le moment.

F : je pense que pour le moment, nos concerts marchent bien, car toutes les générations sont présentes et s’y retrouvent. Il y a les parents, les enfants, les nouveaux enfants… nos concerts couvrent tout ce que ces personnes connaissent. Si tu ressors uniquement des morceaux d’il y a vingt ans, est-ce que tout le monde viendrait également? Je ne sais pas trop au final…

Mais est-ce que vous, vous prendriez plaisir à jouer l’entièreté de cet album?

Y : oui, je pense bien… mais pour moi, perso, ça me plait uniquement que quand cela vient d’un groupe en particulier : quand Slayer

Slayer

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rejoue l’entièreté de Reign in Blood. Il n’y a qu’avec eux que je prends du plaisir. Quand Deftones

Deftones

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revient et joue l’entièreté du premier album, ça me gonfle. Certains groupes ont des albums vraiment cultes. Si Rage Against the Machine

Rage Against the Machine

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revenait et rejouait leur premier album, ils vendraient sans aucun problème au moins 20.000 places par soir. Contraddiction est culte, mais peut-être pas assez que pour faire des soirées spéciales uniquement autour de cet album. On verra…

Yann, pourrais-tu finalement parler un petit peu de ton side-project, Karras

Karras

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? Il n’y a que très peu d’infos à ce sujet pour le moment…

Y : c’est tout nouveau! C’est Étienne d’Aqme et Diego, le tour manager d’Hangman’s Chair

Hangman’s Chair

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, qui ont tout composé. Ils m’ont ensuite proposé de les rejoindre. Au départ, j’avais dit non. Puis j’ai écouté… et ça m’a plu à fond, car j’écoute ce genre de truc. Je me suis dit, putain, je me fais plaisir et j’y vais. Même si je n’ai pas le temps, on s’en fout et on verra… C’est bien bourrin et beaucoup de maisons de disque se sont déjà montrées intéressées de le sortir. On fera notre première date au Sylak (ndla : festival en France, les 2-3-4 août). Mais après, il faudra voir avec nos trois agendas qui sont très chargés. On est bien conscient que ce n’est qu’un projet parallèle.

Et ce serait pour sortir un EP ou directement un album?

Y: Un album!

Et on sait déjà quand serait prévue la sortie…?

Y: Je ne sais pas… on verra bien quand ce sera signé!

© photo du groupe Karras : Ben Tardif

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