Kirby. Un nom qui sonne familier pour toute personne qui s’intéresse à la scène musicale belge, plus particulièrement au hardcore, au crossover, au metal ou encore à l’expérimental. Il faut dire qu’après plus de trois décennies à jouer de la gratte, Michel Kirby a laissé son empreinte dans plusieurs formations et continue toujours d’explorer de nouveaux horizons musicaux. L’artiste bruxellois vient de fêter ses cinquante ans il y a quelques mois, l’occasion de retracer son parcours depuis les bancs de l’école jusqu’à son dernier groupe en date, Wolvennest
Wolvennest
. Le tout ponctué d’anecdotes, de souvenirs et de réflexions.
L’Elektrocution Record Shop fait partie de la race presque éteinte des vrais disquaires, ceux qui ont une âme et qui sont imprégnés par un ou plusieurs styles musicaux, à l’antipode des grandes chaînes aseptisées. L’espace est exigu mais regorge de vinyles et de cds, pour la plupart de seconde main, glanés à droite et à gauche dans des foires aux disques. Je pousse la lourde porte blanche, Michel Kirby, t-shirt noir de rigueur et barbe épaisse de plusieurs mois, m’invite à monter à l’étage. Ce bâtiment pourrait être un autel dédié à la musique : du sol jusqu’au plafond se côtoient des albums, des vinyles, des collectors, des affiches ou autres goodies précieusement gardés à l’abri du temps. La journée commence à tirer sa révérence, la pénombre s’invite petit à petit. On retrace le temps, une cannette de Coca et de Fanta posées sur la table.
Tu as fêté tes 50 ans il y a peu. Souvent, les gens font un peu le bilan de la vie qu’ils ont menée jusque-là. Ça a également été ton cas ?
En effet, je suis né en ’69, j’ai fêté mes 50 ans le 17 février dernier. J’avais toujours dit que je prendrais ma pension à cet âge-là, mais non… Tu sais, cela fait plus de trente ans que je joue ! Arrêter, c’est parfois une idée qui te traverse la tête, mais ça finit toujours par passer…
Tu n’es donc pas encore prêt de t’arrêter ?
Non, avec tout ce qu’il y a en route, ça m’étonnerait que ce soit à cet âge-là que je me retire… Et puis je ne peux pas me le permettre, je joue notamment avec des gars qui sont plus âges que moi maintenant ! (il rigole)
On est ici dans la capitale, à deux pas de la Grand-Place. Ce sont un peu tes terres, tu as toujours vécu à Bruxelles, non ?
Ouais, j’ai grandi dans les quartiers populaires de Bruxelles, dans les Marolles. Toute ma famille venait de ce côté. Une enfance un peu… bousculée. Cool quand même, mais j’ai été élevé par ma grand-mère dès l’âge de 7-8 ans, j’ai perdu ma mère assez jeune. Puis ‘fin des années ’90, lorsque j’ai eu ma fille, je suis parti m’installer à Sint-Pieters-Leeuw. Je reste toujours en périphérie, Bruxelles c’est ma ville. Ce sont mes racines.
Et puis, très vite, tu as été plongé dans le monde de la musique…
On peut dire ça… En étant jeune, j’ai quand même fait quelques jobs d’étudiants dans un magasin de bricolage. Ce sont les seuls moments de ma vie où j’ai été en dehors de la musique… Et puis très vite, j’ai pu obtenir de travailler un ou deux jours au Discomania, c’était un des disquaires les plus populaires du milieu car tu pouvais y obtenir ce que tu voulais en hard rock et hardcore-punk. C’était l’endroit dédié au metal à Bruxelles. Le patron de l’époque était aussi fortement intéressé par la new-wave, c’était un fan absolu de Sisters of Mercy. On pouvait y trouver beaucoup de musique neo-folk également.
Quel âge avais-tu à ce moment-là ?
J’ai commencé quand j’avais… 17 ou 18 ans. Le gars qui bossait là tous les jours voulait avoir un ou deux jours de repos, j’ai donc commencé par le remplacer. Une fois que le métier est entré, j’ai ensuite bossé là-bas plusieurs jours par semaine. C’est comme ça que j’ai appris le métier de disquaire, parallèlement à la musique. J’avais aussi lancé un fanzine à l’époque. Et puis j’ai commencé la musique de manière amateur, avec notamment Mental Disturbance.
On était alors au début des années ’90 ?
Même pas, c’était encore avant… (il prend le temps de réfléchir). Je crois bien que c’était en ’85, je devais avoir 16 ans.
C’était donc ton premier groupe de musique ?
Non, ma toute première démo, c’est quand j’étais en 3ème secondaire. On avait formé le groupe Chaotic Noise, un truc ultra brutal avec de la batterie électronique, moi avec ma guitare et un pote qui chantait à la Napalm Death
Napalm Death
. Mais on prenait ça très au sérieux : on l’avait pressée à 50 exemplaires et on allait la vendre aux concerts qu’on allait voir à l’époque. C’était les débuts de Kreator
. C’était le tout début, hein ! On avait énormément de connexions, tant en Wallonie qu’à Bruxelles et en Flandre. On trainait aussi beaucoup avec les gens de Cyclone, qui était à ce moment-là LE groupe belge. J’étais un peu entré dans leur bande, y avait aussi pas mal de punks de Bruxelles. Ils jouaient quasi toutes les semaines !
Et donc ce sont tes premiers pas chez Discomania qui t’ont motivé à ensuite lancer ton propre magasin, Elektrocution Record Shop ?
Ouais, j’ai quand même travaillé plus de 15 ans pour Discomania, puis le boss est parti vivre en Grèce. Quand j’ai su qu’il allait partir, je me suis un peu préparé et j’ai ouvert mon propre magasin, Elektrocution.
Tu t’es donc lancé dès que Discomania a fermé ses portes ?
J’ai eu en effet un gros coup de chance : même pas un mois après avoir quitté Discomania, j’ai trouvé cet emplacement. Il y a des choses qui ne s’expliquent pas, je ne crois pas au hasard.
Et alors que beaucoup de magasins font de la vente en ligne et de la publicité sur les réseaux sociaux, toi tu as toujours préféré une approche plus old-school…
J’ai continué sur les bases qui m’ont formé. Je suis resté très old-school. J’ai bien essayé à un moment de m’ouvrir à la nouveauté, mais ça m’embêtait. Je ne le fais qu’avec 15-20% de ce que je propose, uniquement pour quelques trucs de black metal, de doom, d’electro-gothique ou de neo-folk. Je suis vite retourné comme on faisait à l’ancienne : aller aux foires du disque, dénicher les occasions. C’est ce qui est le plus amusant et c’est ce qui te permet vraiment de vivre. La nouveauté, c’est très cher. Je suis même parfois gêné de proposer certains prix, notamment au niveau des vinyles. C’est sûr que c’est une mode qui revient, beaucoup d’usines ont disparu et il faut tout remettre en marche. Mais moi je veux rester dans la tradition, que les gens viennent au shop et découvrent par eux-mêmes. Il y a assez de mentions sur Internet pour pouvoir trouver le magasin. Je n’ai pas de Page Facebook, j’ai juste fait à un moment un Tumblr pour montrer quelques magazines ou encore des photos de personnes un peu connues qui étaient venues au magasin. Mais jamais pour vendre…
Tu peux en dire un peu plus concernant les styles musicaux qu’on peut trouver chez toi ?
On trouve ici tout ce qui est années ’80, je vais rarement au-dessus. Excepté pour le black metal, car je trouve la scène vraiment intéressante. On trouve aussi de l’électro-goth, du neo-folk mais aussi un peu de chanson française et de la musique de films. Pour tous ces styles, il y a beaucoup de stock de vinyles. A une époque, il y a de ça 10 ans, plus personne n’en voulait. Et aujourd’hui il y a de nouveau de la demande…. Des groupes comme Supertramp, Fleetwood Mac
, plus personne n’en voulait. Tu pouvais les trouver pour 1 ou 2 euros. Et maintenant c’est la folie… tant mieux ! C’est un cycle qui recommence ! La cassette revient aussi !
Partie 2
Revenons sur ton parcours musical… tout a donc commencé sérieusement dans le milieu des années ’80, avec Mental Disturbance. Comme ça s’est passé ?
On a fait en tout deux démos et un 45 tours. On a aussi participé à une compilation en France, sur le Punk et Hardcore, qui était distribué par New Rose. C’était déjà la consécration pour nous ! Et puis on a commencé à jouer avec des groupes quand même assez connus de la scène, autant belges qu’étrangers. On a pu avoir un début de reconnaissance de la part de la scène en Belgique. On était déjà très crossover, on aimait déjà faire beaucoup de mélange avec le metal. Il n’a pas fallu attendre l’arrivée du metalcore pour ça, tu pouvais le sentir lorsque tu allais aux concerts de Negazione ou encore de Lärm. Lärm était d’ailleurs aussi dans le courant straightedge, bien avant des Youth of Today
Youth of Today
. Et puis à tous les concerts plus punk ou hardcore, il y avait aussi des metalleux, car ils venaient voir jouer Cyclone ou Decadence
Decadence
(avec des membres de Cyclone). On aussi la scène new-yorkaise avec Lady Christ ou encore les tout premiers concerts d’Agnostic Front
, où je jouais de la basse. Mental Disturbance s’était arrêté, Marc De Backer avec qui je jouais est parti avec Mucky Pup
Mucky Pup
, on était juste avant en tournée avec eux. Il est parti à New York pour jouer avec eux, il est devenu leur bassiste. Puis il est entré dans Dog Eat Dog
Dog Eat Dog
. Avec Marc, c’est un peu comme un frère. On a fait un groupe ensemble, puis il est parti faire son expérience à New York. Et moi, en parallèle, je suis entré dans Catalepsy
. On devait faire une démo, puis par ses connaissances dans le monde musical, cette démo est devenue directement un CD. On a toute de suite pu bénéficier d’un entourage professionnel. Ça a éclaté assez vite et très vite on a fait nos premiers festivals. À cette époque, il y avait aussi Channel Zero
Channel Zero
qui était déjà à un bon niveau. Nous on était plus crossover. Il y avait aussi la scène H8000 et le metalcore. Deviate
Deviate
s’est toujours retrouvé sur des affiches assez variées. On pouvait se retrouver avec des Betty Goes Green, des groupes plus pop qui gagnaient des Humo Rock Rallyes. C’était aussi la période de tout ce qui était plus fusion, comme les Red Hot Chili Peppers
, c’était une époque où le metal était perdu. Et donc vu qu’on pratiquait du crossover, il y avait une place pour nous. On a pu jouer sur plein d’affiches.
Que gardes-tu comme souvenir de ces premières tournées ?
, c’est la première fois que j’ai été au Japon. C’était en ’98. On avait trouvé un label là-bas qui faisait la distribution de nos albums. C’est l’album Thorn of the Living qui nous a permis de décoller. On avait déjà acquis une petite notoriété, mais sur cet album, avoir Jamie Locke, un producteur qui s’était occupé auparavant de Madball
, ça a fait décoller le groupe. Ça a ouvert des portes, dont une tournée au Japon. Et puis toujours là-bas, en 2001, on s’est retrouvé sur le Beast Feast, un énorme festival avec Pantera
pour la première fois, etc. C’était un truc de dingue. C’est à cette époque qu’on a fait nos premiers gros voyages. De très belles rencontres avec beaucoup de gens. On a aussi fait toute l’Europe.
… ce qui, pour un groupe belge de ce style, est assez particulier… Déjà dépasser les frontières linguistiques à l’intérieur du pays n’est pas simple. Mais alors l’étranger…
, si on voulait, on pouvait jouer toutes les semaines. Un jour, on a même fait trois concerts sur la même journée : deux festivals et un concert au soir où nous étions en tête d’affiche. C’était la folie. On a fait Dour, les Graspop, les Fêtes de la Musique à Flémalle, le Street Live à Écaussinnes… Mais j’ai assez vite, dès ’97, commencé un projet parallèle. J’avais besoin de m’exprimer autrement, de toucher un autre public.
nous a rejoints et évidemment Ross, le chanteur, que je connais depuis qu’il a seize ans. Il avait joué une fois de la basse avec Mental Disturbance. Ross, c’est un ket qui était déjà à fond dedans depuis ses seize ans.
Et tu dis que tu voulais faire quelque chose de différent qu’avec Deviate
Au niveau de l’imagerie, c’est plus sombre et plus personnel. Aussi au niveau des lyrics. Je venais avec des choses que je n’aurais pas pu injecter dans Deviate
Deviate
, car ça ne l’aurait pas fait. Comme je m’intéressais aussi beaucoup au neo-folk, où on retrouve beaucoup de morceaux donc les lyrics sont beaucoup plus pieds sur terre, j’ai pu intégrer ça dans le projet. On a lancé notre première démo et ça a été tout de suite la folie. On a signé chez
Goodlife Recordings
, qui avait signé pas mal d’autres groupes de H8000. C’est aussi à cette époque qu’Arkangel
, c’était une époque et ça restera comme ça. C’est de l’histoire ancienne. Je ne suis plus favorable à relancer ce groupe, chacun a pris des chemins différents. Deviate
Je les ai en fait rejoints en 2001 sur une demande du label. Il faut être honnête. À l’époque, ils sortent un nouvel album, mais le guitariste s’en va. Ils m’ont demandé si je ne voulais pas jouer un peu avec eux, histoire que la promo de l’album puisse avoir lieu. Je ne les connaissais pas personnellement, mais ça a plutôt bien collé. Les premières années ont vraiment été dingues. Il y a eu ensuite quelques changements de line-up et on a pris des potes de Paris avec nous (les gars de Es la Guerilla, qui deviendra après Hangman’s Chair
Hangman’s Chair
). C’est toujours une histoire de gens qu’on connait. On est aujourd’hui en 2019 et Arkangel
, on a eu un petit break de 4 ans et là on reprend tout doucement avec quelques concerts… Mais avec Arkangel
Arkangel
, on reparle de faire un nouvel album. Cela fait 11 ans qu’on n’a pas sorti de nouvel album. On en parle souvent, mais un des membres est en Islande, deux autres à Paris et moi à Bruxelles. On a aussi chacun notre famille. Cela ne nous empêche pas de faire la musique, ça ne peut pas être une excuse, mais on tient compte de la vie de chacun. On a muri et on se respecte davantage les uns les autres. Avec Arkangel
Arkangel
, on est retourné quelques fois au Japon, on a même fait une tournée de douze jours là-bas. On a aussi été au Canada, aux États-Unis, en Russie. Arkangel
Arkangel
, c’est assez énorme au point de vue des demandes. Mais… on a toujours voulu rester DIY. On est plus passé du côté « culte » que de se faire gérer par des grosses machines qui nous auraient amené plein de dates autour du monde. Ça aurait pu se faire pourtant. Et c’est pas de la blague hein ! Un soir, aux États-Unis, on parlait avec le mec d’Hatebreed
Hatebreed
et il nous avait fait une offre… mais on n’a jamais concrétisé ça. Car accepter aurait trop nécessité qu’on soit ultra discipliné. On a toujours été un peu fous…
C’est quoi être fou, pour toi ?
Bah tu sais on a toujours aimé picoler et faire la fête. À l’image de la musique qu’on fait. On est devenu un peu plus sage par respect pour nos vies, mais on est toujours comme sonne notre musique. J’ai vu des mecs arrivés à un très haut niveau, mais qu’est-ce qu’ils se font chier… On ne voulait pas perdre notre âme, c’est une partie intégrante de nos vies et on ne voulait pas changer notre comportement. Se lier par contrat à de grosses machines aurait pu tuer nos groupes, on n’est pas fait pour ça. Certains nous ont dit qu’on était fous, mais je n’ai aucun regret par rapport à ça. Personne dans le groupe n’a d’ailleurs de regrets.
Et puis ça ne nous a pas empêchés de réaliser des trucs absolument sublimes. Il y a pas longtemps, durant l’été, on a fait un magnifique festival en Philadelphie, This is Hardcore. C’était dément. Ça m’a permis aussi de me rendre compte que les États-Unis ont beaucoup changé en peu de temps… J’étais à New York en ’97, l’âme a changé. Tout est devenu formaté. Chaque quartier était authentique, il y avait des choses à voir partout. Je n’y étais pas pendant la nuit, peut-être un tort, mais on retrouve les mêmes magasins partout. On avait déjà été là-bas avec Arkangel
. C’est folklorique, complètement dingue. C’était un festival qui s’appelait le Hellfest, à Syracuse. On est ensuite retourné en 2001, mais ça s’est très mal passé avec le soi-disant organisateur. On a fait deux concerts puis c’est parti totalement en sucette. Il y a eu quelques grosses bagarres avec des gars qui boycottaient Arkangel
Arkangel
, qui nous reprochaient de ne plus être dans le straightedge et dans le véganisme.
Ce qui était pourtant la marque de départ d’Arkangel… non ?
Oui c’était le cas, mais tu ne peux pas en vouloir à des gamins qui ont 14-15 ans au départ d’évoluer par la suite… Arkangel
Arkangel
a toujours été en faveur de la libération animale, mais pas vraiment vegan. Mais ça, il faut lire entre les lignes des paroles. Et donc là un gars n’était pas content apparemment de la direction qu’Arkangel
Arkangel
avait prise. Il s’est ramené pendant le concert avec un panneau pour Baldur, Hope you die by overdose. Notre bassiste a shooté dans le panneau et c’est parti en bagarre. Et puis le mec de la tournée qui s’est enfui. Pour le second concert, on se rend en New Philadelphia, dans une salle vraiment minable. On s’est bien rendu compte que rien ne tournait rond, on est donc retourné en Belgique. On s’en rendu que seuls 50% des dates avaient été bookées. Mais… on est quand même revenu avec un nom d’album !
Heureusement, on a des mes qui nous ont aidés un peu à ce moment-là, après que le gars nous ait laissé tomber. Et ici, on les a retrouvés 18 ans après ! C’est eux qui ont notamment organisé le This is Hardcore, de manière très professionnelle. Ce sont des gars qui ont grandi avec leur passion.
Mais il y a encore un autre projet dont on n’a pas encore parlé, c’est Broken Clown…
C’est toujours une question de réseau, de gars avec qui on traine. Broken Clown, c’est un peu un projet qui a réuni des membres de plusieurs des groupes proches de nous : Es la Guerilla, Backstabbers. On a fait un EP et quelques concerts ensemble… Puis on a enregistré un album, mais il n’est jamais sorti.
Ah bon ? Pourquoi n’est-il jamais sorti ?
En fait on avait travaillé avec un mec qui bossait dans la musique électronique, on avait été enregistrer à Gand. Un des batteurs de Deus
Deus
était même venu participer. Les morceaux étaient quasi prêts, mais on est venu y insérer des éléments avec lesquels on n’avait pas l’habitude de bosser : des claviers, etc. ça sonnait vraiment bien, mais on n’a jamais atteint le stade final du mix. Et en bout de course, ça nous coûtait beaucoup trop cher. On a au final 7 et 8 morceaux… On a bien essayé de redémarrer le truc par après, mais ça n’a jamais pris. Il n’y a eu qu’un morceau, publié sur Internet (voir ci-dessous).Qui sait, peut-être qu’un jour quelqu’un sera vraiment intéressé pour le sortir…
C’est bien ça ! Enfin… en 2014-2015, lorsque La Muerte
La Muerte
est venu me trouver, j’avais également déjà commencé Wolvennest
Wolvennest
. C’est aussi au départ une simple idée qui m’était passée par la tête. Je me suis mis face à mon ordi et j’ai programmé une batterie électronique ultra basique. Il faut savoir aussi qu’avant, j’avais fait Goatcloaks
Goatcloaks
. C’était un projet qui tendait vers ce qui était plus occulte. Il y a une ligne de conduite qui avait débuté avec Length of Time
Length of Time
et qui va vers quelque chose de toujours plus sombre. J’avais entrainé Christian dans Goatcloaks
Goatcloaks
puis j’y aussi connu François, avec qui je fais Wolvennest
Wolvennest
à présent. J’ai aussi rencontré à ce moment-là Ismaël, une de mes plus belles rencontres. C’est un pote qui vient du Maroc. Il avait atterri en Belgique pour faire son nid. Il était venu en éclaireur de Rabat. On avait en fait mis une annonce sur Internet comme quoi on cherchait un chanteur et il s’était présenté. Au Maroc, c’est un des plus beaux pays du monde mais c’est très compliqué pour les jeunes qui veulent faire du rock. Ce qui n’empêche pas les jeunes de voir tout ce qui se passe sur Internet. Et donc on a lancé Goatcloaks
Goatcloaks
avec lui. Dans le même esprit au niveau textes que dans Length of Time
Length of Time
mais dans un tempo plus lent. On a joué ensuite avec Obsessed, Devil’s Blood, Hangman’s Chair
Hangman’s Chair
.
Mais si je comprends bien, ce n’était pas encore tout à fait ce que tu voulais faire…
Ouais, j’ai eu envie d’aller vers quelque chose d’encore plus ambiant, psychotique et psychédélique. Je sentais bien à l’époque que ça ne motivait pas tout le monde. J’ai donc décidé devant mon ordi de lancer une batterie ultra simple et d’y opposer des riffs de type Burzum
. J’ai fait une demo de plusieurs titres et je l’ai proposé à François, qui jouait avec moi dans Goatcloaks
Goatcloaks
, et on a profité de son home studio. J’ai aussi contacté quelques potes en Autriche, qui jouent dans Der Blutharsch, qui sont plus dans le neo folk un peu martial. Je leur ai proposé d’intégrer le groupe avec leurs synthés. Et puis j’ai demandé à Marc De Backer, de Mongolito
Mongolito
, de nous rejoindre. Selon moi, c’est un des meilleurs guitaristes en Belgique. On a sorti notre premier album, via un label qui ne fait pas du tout de metal mais qui sort de la musique de film mais aussi de la deep, house, techno, etc. Mais au tout début de son label, il avait dejà sorti un morceau de Length of Time
Length of Time
qu’il avait remixé avec des potes. C’était un morceau folk, très hippie, même que plusieurs personnes ont pensé que c’était un morceau de Charles Manson (il rigole)
, Marc Du Marais est venu me trouver et il m’a proposé de les rejoindre afin de non par reformer le groupe mais uniquement pour une date spéciale. Dans un de ses films, Marc avait pu avoir une actrice connue en Belgique. Il n’avait pas de quoi la payer mais en échange, il avait accepté de jouer quelques morceaux de La Muerte
La Muerte
dans un club à Gand. Et ça a marché du tonnerre. Je les connaissais tous de vue, mais pas personnellement. Il m’avait vu avec Goatcloaks
Goatcloaks
, ce qui l’a poussé à venir me voir. Marc a toujours un scénario dans sa tête, mais sans vouloir imposer sa vision aux autres. Puis Didier est venu aussi et a été séduit par le line-up. Marc m’a dit : je te propose d’intégrer le groupe et tu refais le casting. J’ai donc été chercher Christian avec qui je joue depuis 20 ans. Et puis j’ai demandé à Tino, avec qui j’ai toujours été assez proche. Il avait aussi joué avec nous au moment Mental Disturbance, lors de concerts avec Murphy’s Law
Murphy’s Law
. On avait joué au café Alcatraz. On avait donc la base rythmique et puis Didier s’est amené et il a bien vu que ça collait.
Mais donc tu avais reformé un line-up au départ uniquement que pour une date…
Ouais ça ne devait être qu’un concert mais Didier a de nouveau été mordu par le truc. Cela faisait 15 ou 20 ans qu’il n’avait plus joué, puisqu’il avait arrêté en ‘96-‘97. La flamme s’est rallumée. Leur booker de l’époque, qui n’est autre que Teddy de LiveNation, qui leur avait donné leur premier concert à l’époque, a proposé de refaire une date à l’Ancienne Belgique. Et la machine a repris. C’était un peu comme Arkangel
Arkangel
, je ne savais pas si ça allait bien se passer. Mais ça a marché du tonnerre. C’est davantage qu’une amitié. J’ai beaucoup de respect pour eux. Je suis même heureux pour eux, car leur musique était à l’époque un ovni. Un peu comme nous à l’époque avec Broken Clown. Mais l’époque d’aujourd’hui est maintenant prête à les recevoir. Je leur ai toujours dit : vous avez fait du grunge avant le grunge ! Cela faisait quelques années que j’allais au Roadburn, j’entendais bien ce qui se faisait aujourd’hui. En réécoutant leurs morceaux, c’était sûr que ça allait prendre ! Le public de La Muerte
La Muerte
est aujourd’hui très mature, les jeunes ont autre chose à se mettre sous la dent.
, j’ai plutôt voulu faire des morceaux qui allaient dans leur sens. Mais eux m’ont expressément demandé d’insuffler ma personnalité dans leurs compos. On a finalement installé une sorte de compromis. Ça a mis longtemps pour que le nouvel album ne sorte, ce qui avait mis un peu le doute dans nos têtes quant à savoir comment ça allait être reçu. Mais j’ai été très surpris en lisant les différentes chroniques, il a été super bien reçu. Je suis très content de cette nouvelle aventure humaine. Ce sont des gars, respect, qui laissent s’exprimer tout le monde.
Tu as en effet pris une belle part dans la composition de cet album, non ?
Je suis un optimiste de départ. Quand je suis lancé dans quelque chose, j’y vais à fond. Didier est plus dans la réflexion, il se pose beaucoup de questions. Et Marc nous a laissés carte blanche car il était occupé à réaliser son dernier film. Je me suis donc lancé dans l’écriture de riffs et quelques lyrics. J’ai notamment repris un riff de Wolvennest
Wolvennest
qu’on n’avait pas utilisé précédemment, sur la première démo. J’ai toujours dit à Didier : c’est toi le son. Je m’en suis vraiment rendu compte le jour où il est arrivé au local de répétition. Cela faisait six mois qu’on répétait déjà et quand il a branché sa guitare, on a tous compris. Le son de La Muerte
La Muerte
, c’est lui. Marc et Didier ont toujours aimé expérimenter, ce sont des gars très ouverts d’esprit. C’est toujours ce que j’ai recherché, et c’est également ce que j’ai fait avec Wolvennest
Wolvennest
. Je me fiche de savoir dans quel style ça sonne, ce qui m’intéresse uniquement, c’est de toucher les gens.
Et donc, à t’entendre, vous avez été satisfaits de ce concert que vous avez donné en janvier afin de présenter votre nouvel album ?
Ah ben ouais, c’est clair ! Lorsqu’en 2015 on avait refait l’AB, il y a eu tous les anciens qui sont venus nous revoir, qui avaient ressorti leur vieille veste et aussi quelques curieux. Ici, je leur ai dit qu’il fallait venir avec un show et marquer les esprits. Il a fallu un peu de temps pour lancer le truc. Didier était en stress total. Mais on a eu une bonne équipe de promo et on a obtenu notamment un grand article dans la partie culture du Soir. Y avait en grand marqué malsain (il rigole). Ça a boosté. On s’est retrouvé avec un peu plus de 1.000 personnes, ce qui était un level au-dessus de celui de 2015. C’était une soirée mémorable, on a marqué les esprits.
Et donc vous êtes repartis avec La Muerte
La Muerte
, on va vous revoir partout en Belgique ?
Tout doucement… Aujourd’hui, on recommence à nous proposer quelques dates. Ça reste compliqué mais ça vient… On a toute une infrastructure pour nos shows. Ça a donc un coût. Et puis bon nombre de salles ont fermé ces quelques années… En Belgique, on manque de gens pour faire du booking à l’extérieur. Ici on travaille avec un gars de LiveNation, mais il le fait clairement par plaisir. Il s’occupe de trucs tellement gigantesques à l’extérieur. C’est le même avec Arkangel
Arkangel
, on fait tout par nous-mêmes. Un groupe qui fait le tour de l’Europe, qui fait des tournées au Japon… ça doit pourtant quand même intéresser des bookers. Ben non ! Personne !
m’occupe en effet le plus. On est vraiment dans une scène particulière, avec un circuit parallèle de festivals. Ce n’est pas comme un Hellfest ou un Graspop où tu n’entres pas si tu ne connais pas les bonnes personnes. C’est un milieu où il y a beaucoup de Black Metal ou de styles plus expérimentaux.
Tu penses à quels festivals par exemple ?
Il y a notamment The House of the Holy, où les gars sont vraiment investis dans ces styles de musique. Le festival a lieu un jour de solstice et les organisateurs sont très attachés aux rituels. Je n’ai jamais vu des mecs autant en transe. Il y aussi le Chaos Descent ou l’Ascension, où on y retrouve toute la scène islandaise de Black Metal, notamment avec Misþyrming. Et puis il y a vraiment le Roadburn, organisé depuis des années par un passionné, qui a permis l’émergence de ces styles musicaux et de ce type d’incroyables festivals. Ce que j’aime avec Wolvennest
Wolvennest
, c’est que je retrouve vraiment des gens passionnés. J’ai fait beaucoup de choses avec la scène hardcore, elle m’a beaucoup apporté. Mais là je dois être honnête : ça s’estompe un peu. On sent un peu de fatigue. Des groupes comme Madball
tournent toujours et continuent de le faire car ils ont fait ça toute leur vie. Parfois, je dois dire que le feu est un peu éteint de mon côté. Par contre, quand je regarde la scène black metal, il y a énormément d’énergie et de gens passionnés. Ce sont des gens qui se bougent. Lors du festival Lost Civilisation, organisé avec l’Atelier 210, 70 à 80% des gens étaient des étrangers ! Et tous ces gens, tu les retrouves un peu partout où tu retrouves ce même type de festival. Wolvennest
Wolvennest
s’exporte énormément. On a sorti l’album en avril, on a fait la release party en mai ou juin et presqu’un après, on a joué qu’à l’étranger ! Quelques dates avec Wolves in the Throne Room
mais aussi à Leipzig lors d’un truc ultra occulte. On a joué aussi à Paris. Il a fallu attendre un an après pour qu’on joue ici dernièrement en Belgique. Les seuls qui nous proposent enfin quelque chose, c’est l’Alcatraz Festival. Ils ont des gens qui connaissent bien la scène occulte et qui ont proposé de faire une scène particulière, qui s’appellera La Morgue. C’est une scène qui ne pourra accueillir de 666 personnes. Ils ont enfin tilté ! On va aussi pour le Void Festival, en Allemagne.
Et le prochain concert que vous allez faire, c’est justement le Roadburn…
justement ce week-end là, uniquement pour le festival. La sortie officielle sera une semaine après. On a la chance de travailler avec
Van Records
, un label allemand. C’est aussi un passionné de musique et qui travaille super bien dans la distribution. Il y a deux ans, on avait fait un club au Roadburn. J’ai toujours gardé un bon contact avec Walter, qui a beaucoup apprécié sur notre dernier album, Void. Je lui avais dit : ce serait cool qu’on puisse jouer en projetant nos images sur votre plus grand écran. Il a compris mon message et m’a proposé de jouer sur la scène principale. On jouera le samedi. On y amènera trois personnes supplémentaires : le gars de Ruins of Beverast, normalement Ismael allait venir pour faire des incantations mais ce sera un autre ami et il y aura aussi Déhà, notre producteur pour les deux albums, et qui sera présent avec nous. C’est aussi un gars que j’ai amené à La Muerte
La Muerte
. Walter, c’est par amour du groupe qu’il nous a choisis. Il m’a dit : votre album mérite d’être là, il n’y a rien de commercial derrière, c’est purement artistique.
(cela fait presque deux heures que nous parlons, Michel s’arrête et réfléchit)
Tu sais, au tout début de l’interview, tu me parlais de bilans… Je crois qu’à 50 ans, j’en tire comme bilan que j’ai eu beaucoup de chances. Autant dans les rencontres que dans les voyages que j’ai pu faire. J’aurais parfois fait différemment certaines choses, mais je sens qu’une forme de maturité est arrivée. Et donc je continue sans cesse d’apprendre. Je suis parti dans un autre cycle, jusqu’au moment où j’aurai les capacités de le faire au mieux. Mais le travail est toujours primordial. J’ai toujours dû me battre, rien n’est jamais tombé du ciel.
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