Interview

ENTHRONED

« Tu dois vivre les codes que tu prêches »


Mercredi 7 août 2019



Après avoir erré dans le désert pendant un an et demi, Enthroned
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est de retour cet été avec leur onzième album, Cold Black Suns. L’occasion de rencontrer par caméras interposées Régis Lant, mieux connu dans le milieu sous le pseudonyme de Nornagest, afin d’évoquer ce nouvel opus. Changement de label, réaménagement de line-up, Enthroned
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semble à nouveau sur les rails et prêt à déverser sur le monde un torrent de noirceur. L’occasion également pour l’artiste de faire une mise au point sur ce qui définit ce style musical, en usant de l’honnêteté pour seul credo.

Il s’est quand même passé cinq longues années entre la sortie de Sovereigns et Cold Black Suns. Que s’est-il passé pendant tout ce laps temps?

Nornagest : On a tout d’abord commencé par une année sabbatique… parce qu’après la tournée de Sovereigns, on a tourné énormément. On avait besoin de se reposer un peu. Pendant cette année, année et demie, deux membres du groupe se sont concentrés sur leur projet, Emptiness
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. Ils ont sorti Not For Music. On a eu aussi chacun notre vie privée un peu sens dessus dessous (il rigole).

On a eu aussi deux membres qui ont quitté le groupe, non pas par choix, mais par obligation. Phorgat, le bassiste, avait trop à faire avec son bébé Emptiness
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. Il a aussi le Blackout studio, son boulot et sa vie privée… Alors avec Enthroned
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au-dessus de tout ça, c’était trop de stress pour lui. Il n’avait plus de vie et n’avait pas envie de faire les choses à moitié. C’est dans son caractère : il fait tout bien ou il ne fait rien. C’était très respectable, il nous a aidés jusqu’au moment où on trouve quelqu’un d’autre. Il est toujours là pour nous supporter et est fort impliqué dans notre dernier album. Et puis il y a eu Zarzax qui a dû partir pour des raisons de santé. Il a préféré quitter le groupe pour ne pas l’handicaper. Il ne savait plus faire ni de tournées ni composer pour le nouvel album. Entre temps, on a pris Shagal, de Vibrion
Vibrion


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. Mais… (il s’arrête et hésite) petite exclu : Zarzax revient! Il n’a plus de problèmes de santé et il va donc reprendre sa place au sein d’Enthroned
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.

Après ces périodes troublées, on a donc décidé de recommencer à tourner. On a fait une tournée européenne, américaine et sud-américaine. On a fait aussi la 70 000 Tons of Metal, une croisière musicale dans les Caraïbes. On a fait beaucoup de concerts. Et puis on s’est finalement attelé à la composition du nouvel album. On a aussi changé de label, ça a pris pas mal de temps… On est bien conscient que deux albums en cinq ans, c’est énorme. Mais on a vraiment cru à un moment qu’on avait la poisse pour toujours… Mais certains changements étaient nécessaires pour le bien du groupe.



Justement quand tu évoques le changement d’album… n’as-tu pas l’impression que Season of Mist est enfin le label qui corresponde parfaitement à votre style de musique?

N : Je suis tout à fait d’accord. Mais alors là, à 100 %! Ça fait déjà des années qu’on se tourne autour l’un de l’autre, un peu comme un couple de jeunes adolescents qui n’osent pas bètcher ensemble (il rigole). Depuis qu’on avait quitté Napalm Records , Mika (ndla : le fondateur de Season of Mist ) nous avait approchés et nous avait dit qu’il aurait bien voulu qu’on bosse ensemble… Mais ça ne s’était jamais fait, pour telle ou telle raison. Et là finalement tout a été propice : ils avaient le budget, on était libre. Donc voilà… On a eu d’autres propositions de label, mais c’est Season of Mist qui a proposé le meilleur contrat. Et puis on se connaît aussi depuis des années, je pense que ça remonte à ’96 l’année où on s’est rencontré. Ils font un boulot formidable, ils ont fait plus ici en deux mois que certains labels précédents en trois ans… J’ai vraiment été étonné de voir toute la promo et le support qu’il y a eu derrière notre album.

À propos du nom de l’album, Cold Black Suns… peux-tu donner ta définition de ce que représenter un soleil noir? Pourquoi avoir choisi ce symbole? Il est aussi malheureusement aussi un peu connoté (repris notamment par la propagande nazie), n’as-tu pas eu peur d’un certain amalgame?

N : Ah non non non… il faut justement faire attention, Suns est au pluriel, pas au singulier!

Quand je dois trouver le titre d’un album, j’essaie toujours d’avoir une vue d’ensemble sur le concept lyrique et l’ambiance qu’on y a mise. Et ces trois mots me sont rapidement venus à l’esprit quand j’écoutais l’entièreté de l’album. Les black suns font référence à chaque morceau de l’album, à chaque sphère de l’album. C’est un album assez froid, assez noir. Le concept lyrique de chaque titre est également peu conventionnel pour du black metal. On y fait toujours référence à l’occulte, mais chaque morceau traite d’une posture ou d’un âge, au travers de l’histoire. Avec à chaque fois une vision très personnelle de l’occultisme ou de la spiritualité.

Prends par exemple Ophiusa, le tout premier morceau de l’album, instrumental et avec des lyrics parlés. Il se base sur le chamanisme et la mythologie au Portugal à une certaine époque. Ophiusa, le Pays des Serpents, désigne cet espace où ça y était pratiqué. Cela fait référence à certaines entités qui sont là, à des esprits liés à ces serpents. Il y a aussi le morceau Oneiros, qui est un morceau qui traite de la Grèce antique, avec son côté noir de la spiritualité et de l’occulte. Vapula Omega s’attarde par contre aux temps modernes, aux jours d’aujourd’hui. Ça, peu de groupes le font. Ils sont souvent prisonniers d’un satanisme médiéval. Et pourtant, l’occultisme est intemporel! Il existe tout aussi bien avant l’homme des cavernes qu’à la minute où on parle maintenant. C’est un morceau qui sonne très moderne. Le texte est donc en adéquation.

Il y a également un autre morceau qui évoque la Renaissance, avec un type assez pieux, qui se retrouve sur son lit de mort et qui a cru en Dieu toute sa vie. Un vrai cul d’Église. Et puis finalement, juste avant de mourir, il se rend compte que tout ce dont il a cru pendant sa vie ne rimait à rien. Tout le morceau se base là-dessus : le type réalise que toute sa vie s’est basée sur... rien! Il y a encore Aghoria, qui est un mantra aghori (ndla : un courant de l’hindouisme). Et puis finalement Son of Man, le gros morceau épique qui clôture l’album, qui aborde une idée pas très originale en soi, la chute de Lucifer. Mais l’approche est différente, elle est très humaine, très anthropologique. On a mis toutes les croyances en une seule. Quand tu regardes les différentes cultures, elles ont toutes ce concept de l’ange déchu, l’être rejeté par les autres dieux. Ce morceau est un condensé de toutes ces doctrines, de ces civilisations, en un seul morceau.

Et donc toutes ses paroles mises l’une à côté des autres ont finalement donné ce titre. Chaque morceau est un soleil en lui-même, au travers d’une culture ou d’une civilisation. L’album est sombre, il est noir, il est froid. Donc… Cold Black Suns!



Et c’est toi qui est derrière toutes les compositions?

N : Je m’occupe des paroles. Musicalement, tout le monde compose.

Les quatre albums précédents (Tetra Karcist, Pentagrammaton, Obsidium et Sovereigns) formaient un tout. On était dans une quadrilogie. Ici, vous commencez quelque chose de nouveau… comment le qualifierais-tu?

N : On est dans un one-shot. Dans ce nouvel album, c’est l’élaboration d’une même idée, cela ne se répètera pas sur le prochain disque. Le truc qui restera par contre, c’est l’aspect noir. Ce concept depoids et de noirceur va rester… Je ne peux pas en dire davantage, car on est déjà occupé de bosser sur le successeur. On ne prendra plus cinq ans pour ressortir quelque chose! J’ai déjà commencé à écrire une bonne moitié des paroles pour le prochain opus… Je vois déjà un peu la direction que ça va prendre.

Cold Black Suns est selon moi l’album le plus froid et le plus sombre qu’on ait pu sortir. C’est quelque chose qu’on va garder sur le prochain. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il sera aussi calme ou dix fois plus brutal, ce sera différent. Cold Black Suns amorce quelque chose.

Beaucoup de formations dans le black metal utilisent l’occultisme ou le satanisme comme une image, comme un prétexte (Nornagest lève les yeux au ciel). Or, chez Enthroned
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, on a l’impression que c’est quand même beaucoup plus profond…


N : C’est tout à fait ça. Bon, je ne parle que pour moi, car c’est un sujet délicat au sein du groupe. Je suis personnellement un pratiquant, cela fait des années. J'ai suivi une longue formation de plus de 15 ans et je l'enseigne à présent. Ça fait partie de ma vie, sans pour autant faire de moi le miroir d’un catholique ou quelqu’un qui va à l’église tous les jours. C’est totalement différent, c’est la nuit et le jour. Ce n’est pas à voir comme quelque chose à l’inverse de la chrétienté. En même temps, je n’ai pas envie de trop m’exprimer là-dessus, car c’est quelque chose de personnel. Mais en effet, dans Enthroned
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, on est à 100 % derrière ce qu’on dit. Sinon on ne le dirait pas. On est pour la technique du practice what you preach. Avec Enthroned
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, je me fais un point d’honneur à mettre ça en évidence. Enthroned
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est un catalyste pour moi, qui me permet de véhiculer certaines émotions, certains vécus, certaines expériences que j’ai eues au travers de l’occultisme. Ou que nous avons eu à travers l’occultisme. Enthroned
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est un outil, une autre partie de nous-mêmes.

Une première tournée est prévue en janvier 2020, aux côtés de Schammasch
Schammasch


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et Caronte
Caronte


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. Que prévoyez-vous ensuite?


N : On est occupé de reconstruire notre team pour le live et on bosse sur le nouveau show. On l’a déjà introduit plus ou moins au Throne Fest, lors de la release party du 8 juin dernier. On un nouveau gars ingé son, quelqu’un aussi pour les lights, des roadies… et puis le retour de notre ancien-nouveau guitariste! On va continuer à composer de notre côté tout en se préparant pour les prochains concerts. Il y aussi quelques bonnes surprises en boite, mais je ne suis pas encore autorisé à en parler. Et puis il y aura la tournée européenne en janvier, on négocie aussi pour le Japon, les États-Unis et l’Amérique du Sud. On pense aussi aux festivals de l’année prochaine… Je sais bien que la plupart des groupes font beaucoup de concerts juste après la sortie d’un album, mais nous ce sera pour un peu plus tard, en 2020.



Prenons un peu de hauteur… Dans le black metal, on évoque souvent une première vague (années 80) et une seconde vague (années 90). Penses-tu ici qu’on soit à présent entré dans une troisième vague?

N : Totalement! Comment je vais dire ça… (il rigole). Il y a des groupes qui sont très bons dans cette nouvelle vague… et d’autres moins. Beaucoup sont issus du post-black ou un truc comme ça. Et ça… ce n’est pas mon truc. J’ai des potes qui jouent dans un truc comme ça, Wolvennest
Wolvennest


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. Ou encore Wiegedood
Wiegedood


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. Ce n’est pas mon truc du tout. Pour moi, ça n’a rien à voir avec ce que le black doit être. Ce n’est pas parce que tu cries, que tu fais du up and down et des blasts que tu fais pour autant du black. Tu prends par contre Mephorash
Mephorash


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, de Suède, là par contre c’est génial! Leur dernier album, Shem Ha Mephorash, est un des meilleurs que j’ai pu entendre depuis longtemps en black metal!

Quelle est alors, selon toi, l’essence du black metal?

N : L’honnêteté envers ce que tu prêches, que ce soit lié à l’occulte ou au satanisme. C’est ça le black, c’est un concept satanique. Le black metal, c’est la voie de la main gauche liée avec de la musique extrême issue du Metal. Si tu n’as pas l’un ou si tu n’as pas l’autre, selon moi, ce n’est pas du black. Si tu n’es qu’un type maquillé, qui gueule tout le temps après Satan en voulant copier Marduk
Marduk


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… ça n’a aucune profondeur, ça ne veut rien dire pour moi. Ça n’a aucune âme, ça ne rime à rien. Tu dois vivre par les codes de ce que tu prêches. Dans le même style que Mephorash
Mephorash


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, il y a également Murg qui est très bien, très intéressant. Mais je ne suis pas trop ce qui est fait de nouveau aujourd’hui, c’est toujours par hasard que je tombe dessus. Ça vaut la peine également d’écouter Possession
Possession


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, le groupe belge. Ils sont très bien!
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AUTEUR : Sekhorium
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près ...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouve...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musica...
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....
Chargé de communication dans le secteur culturel et journaliste à ses heures perdues, Pierre explore les méandres du Metal depuis maintenant près de 20 ans. Privilégiant les sensations au détriment de la raison, il recherche sans arrêt de nouvelles formations qui viendront titiller les cinq sens. Si vous le croisez en concert, vous le trouverez certainement dans la fosse, voire face aux barrières quand le show s'avèrera intense. Plus qu'un style musical, le Metal est devenu est philosophie de vie....

► COMMENTAIRES

UNWISE - 23-08-2019, 23:48
Superbe interview!
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