Reportage

American Rock Festival: Headbangers of The Bulge!

Bastogne (Quartier de l'American Légion), le 28-08-2021

Mardi 31 août 2021




Sauf erreur de ma part, Shoot Me Again n'avait jamais couvert l'American Rock, festival metal pur jus, modeste, implanté dans la ville de Bastogne depuis dix ans. Pourtant, on peut y trouver là  quelques traits de caractère d'un (dés)ordre similaire à travers son organisation sans failles: la passion, la gratuité du geste et la volonté pérenne. C'est ainsi que vient le désir et le plaisir de m'y attarder.

Ce 28 août à 14h, comme depuis plusieurs années le dernier samedi d'août, j'ai rendez-vous à quelques pas de chez moi avec la famille élargie (celle-là est choisie) au festival American Rock à Bastogne. Vous savez, cette petite ville mémoire perchée à  hauteur de l'Ardenne belge, plus célèbre pour sa bataille que pour son offensive annuelle de riffs métallisés. J'y vais la fleur au fusil, car je sais que je vais y revoir LES familles plutôt, puisqu'en matière de construction identitaire, pour moi ce fut assez vite crossover et genres pluriels. Le monde est si vaste qu'il serait dommageable de s'enfermer dans des cloisons. Et cela vaut d'autant plus en ces temps mémorables. Pour sa neuvième édition bis, le festival se veut metal pur jus, comme depuis ses débuts. Au delà de l'entêtement (je vous écris un lendemain et j'ai mal aux cervicales), il est peut-être aussi là le caractère de l'ardennais: fidèle et loyal.

On sait qu'il aura du son, du gros, du lourd, du cinglant. S'y implanteront des têtes familières qui, depuis des décennies, transforment la scène de l'extrême sud en un fabuleux patchwork. Vous comprendrez sans doute que, quoiqu'on en dise, ici aussi que l'on soit punk, coreux, métalleux, indie, rock francisé dans l'âme ou que sais-je, on n'hésite pas à se bouger, à se soutenir et se réunir parce ce que c'est rock'n'roll! Point d'acclamation. Voilà qui est dit et m'épargne une énième analyse de la cartographie du territoire liée à la faiblesse de densité de population et de certaines alternatives culturelles. Tchin! Gloups!!! À l'amitié, à ce qui nous relève les gars, les filles, les autres! À la santé et l'abnégation des gens du comité de quartier de l'American Légion et du groupe Ardenne Heavy. Vous saisissez maintenant l'appellation d'origine contrôlée de ce festival, porté par des motivations bien loin de l'absorption impérialiste. Maintenant, je vous emmène sur le petit site enclavé derrière le terrain de pétanque. Et je peux même vous dire qu'on y rentre par la rue de la Californie! American Rock on vous dit!!!




Je m'avance paré du précieux sésame, obligé pour cette édition et pour lequel j'ai déployé quelques efforts dans mon organisation de vivant sans smartphone et sans réponses aux piqûres d'appel. Je pénètre dans l'antre habituelle, la scène jouxte l'entrée étroite mais jamais saturée (autre charme de l'Ardenne heavy) avec une large fosse à ciel ouvert la séparant d'un chapiteau ouvert, tenant à la fois pour bar, merchandising et parapluie géant. Le même qui par le passé servait aux festivités annuelles du quartier pour ensuite abriter les premières éditions du festival. Ca va déjà  fort et ça ne s'arrêtera pas. Pour la pluie, c'est une autre histoire.

Pour l'instant, il fait sec. Le mec sur scène, derrière le micro et au centre de l'intrigue, c'est exactement le même colosse croisé hier aux abords de la pharmacie pour mon rendez-vous avec obtention DU sésame à la clé. Reste qu'il en impose et que c'est pour ainsi dire sa première scène perché plus haut que les autres. Ceux qui ouvrent s'appellent Flooded Basement
Flooded Basement


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. Ce sont des gars du cru. La formation existe depuis plusieurs années, le line-up actuel et stabilisé reste plus récent. Les quatre balancent leur groove metal sans complexe, inspiré des références du genre. Ils sont bien là, le public attentif aussi. Quelques centaines déjà. Je n'estimerai pas plus... Certain.e.s mauvaises langues diront que je vois déjà double (méfiez-vous des apparences). Avec le nombre, je peux me montrer généreux. Eux aussi qui terminent leur set par un Territory, reprise de leur cru fort appréciable. Bon, je vous le dis quand même: quel plaisir de découvrir le colosse hurler, celui-là même qui autrefois m'a accueilli dans sa cave avec d'autres en temps de disette (mais de jam). Si ce n'est qu'alors, il tapait sur les fûts.

On se congratule. Beaucoup se connaissent. On se dit que ça fait du bien. D'autres arrivent de plus loin. On se connaît aussi parce qu'à force de bourlinguer dans les ténèbres, on perçoit la flamme immortelle. Je croise les gars d'Anhée, c'est comme ça que je les appelle. Croiser le gobelet. Ca me rappelle la salle d'Armes durant l'effervescence de la scène hardcore en Belgique. Ils sortent l'artillerie lourde et l'affiche qui tient avec. Insane Festival. Jetez un œil sur le line-up, 10, 11, 12 juin 2022, Le Labo à Les Isnes. C'est ça le placement de produit à l'American et sur SMA!

Ardenne Heavy
Ardenne Heavy


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! Toute une histoire associée au festival. Rendons grâce aux dieux locaux (ici Dieu est petit et Trash/Heavy!), à Ludovic Meunier (batteur du groupe) et son frère Christophe (aux gens de l'ombre aussi), chevilles ouvrières de l'événement qui s'est développé modestement mais sûrement depuis une décennie, à l'image de l'état d'esprit du groupe. Dans ce coin de la Province de Luxembourg, certains membres se démènent sans compter depuis des années, jouant avec les éléments pour faire vivre la scène locale et les alternatives. Bloqué comme tant d'autres, le groupe retrouve la scène qu'il connaît dans ses moindres recoins. Pas évident de se remettre en selle après un an et demi, mais les cinq confirment sur la base des qualités, l'énergie et la cohérence grandissante au gré de leurs apparitions sur quelques scènes conséquentes. Un groupe qui fait face au déluge après deux morceaux, qui ne dévie pas d'un poil de la route lourde et grasse qu'il trace, peut franchement faire parler la poudre en toutes circonstances. La prestation me semble aussi courte qu'intense. Bien sûr, j'ai déjà connu un public plus massif au moment de leurs autres passages ici, mais je sens l'âme du site retrouver ses caractéristiques et les gens savourer l'aubaine d'enfin remettre les pieds dans la boue, vaille que vaille. Le terrain est labouré, le décor est planté, le reste peut de nouveau pousser.



Sous un ciel similaire, je découvre les bruxellois de Cosmic Monarch
Cosmic Monarch


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. Leur approche d'un metal chargé d'éléments stoner et hardcore fait mouche. Même à distance et à l'abri, leur présence suinte le rock'n'roll. La touche agressive émanant du chanteur et l'énergie déployée me donne du répondant. C'est rôdé, ça sonne et balance efficace! Après deux EP, leur premier album est en préparation. Nul doute qu'on en reparlera.

J'ai vaguement entendu causer de SmokeBomb
SmokeBomb


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que je ne connais pas. Que peut être en Belgique en 2021 un groupe hardcore à la rencontre du courant Hip Hop dans un mélange de fumée punk, groove et metal? À coups d'éclaircies dans le ciel, malgré quelques approximations et nébulosités qui n'entachent rien (premier concert avec ce line-up remodelé et étoffé par un scratcheur et ses platines), leur audace et attaque provoque cette étincelle ressentie, pas spécialement nommable pour qui reste attaché à  ces multiples ancrages. Je crois reconnaître certaines formes de vécu, ce que me confirment les sympathiques bribes échangées avec la bande plus tard dans la soirée. Fait remarquable, j'apprends alors que c'est la première prestation en groupe de leur jeune musicien aux platines, venant d'une branche confidentielle du deejaying, qui avec eux découvre maintenant un univers lui étant inconnu auparavant. SmokeBomb m'apparaît parmi celles et ceux qui maintiennent la fraîcheur, l'ouverture, les rythmes et l'endurance. Ou la force de frappe d'un groupe pour lequel la spontanéité des gosses présents à l'avant en dit long. Casque Hip Hop et esprit punk les kids! De vieilles formules au goût du jour et de quoi armer le monde à venir?



Infected
Infected


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. J'ai apprécié leur découverte ici il y a quelques années, confirmée lors d'un concert plus tard à L'Entrepôt d'Arlon, la région de base à partir d'où le groupe déploie un concentré d'influences groove metal, trash, death. Deux des cinq membres jouent pourtant à la maison: Simon (chanteur chez Ardenne Heavy) à la basse et Yoan, un des deux guitaristes (également dans le groupe death Coalition
Coalition


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). Je n'ai pas suivi, mais avec les qualités perçues auparavant, le temps et le potentiel galvanisant d'une sortie de confinement, je me dis qu'il va y avoir comme un petit air qui vous l'envoie sévère. Trois quart d'heure plus tard et je vous épargne mes longues phrases: coup d'éclat du festival! Il ne s'agit pas de comparer car ce qui suit a du galon. Juste ressentir et mesurer l'évolution de la déferlante et de l'approche scénique. Tout en témoignant de l'aveu d'un mec dans le public, qui a fait des bornes et dont l'oreille est loin d'être la première venue: ''ben merde alors, comment se fait-il que je ne connaissais pas ce groupe!'' À bon entendeur plus au nord...



Le ciel commence à s'assombrir. Scarlet Anger
Scarlet Anger


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poursuit la symphonie du jour. Leur trash plus mélodique me traverse moins. Attention, les gars ont du métier, leur prestation et leur musique, inspirée d'univers bd classique tendance années 80 et 90 et des histoires d'horreur, restent très bien assumées, maîtrisées et loin de passer inaperçues aux yeux d'une partie du public. On sent le groupe du Luxembourg grand-ducal voisin reconnaissant pour ce moment offert. Ce que m'avait d'ailleurs précisé un de leurs musiciens croisé avant le concert, m'expliquant que leur terrain de jeu allemand habituel restait en ce moment plus compliqué d'accès. Plus tard, on retrouvera une autre formation luxembourgeoise. En effet, derrière ce choix de programmation se logent des liens tissés entre le festival et un pan de la scène metal de nos voisins, plutôt méconnue de ce côté-ci de la frontière. Là aussi, il s'agit d'une volonté de garder ouverts les terrains de jeu.

Do Or Die
Do Or Die


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s'avance. Le public a compris. Que vous apprendre de plus si ce n'est pour vous dire que je ne les ai pas vus depuis longtemps et que je n'ai pas suivi depuis les sorties d'albums sur I Scream Records. Si lointaines. Et à la fois si proches. Parce qu'il me semble avoir perçu quelques titres issus de ces plaques à  travers la mitraille et les harangues de Chris, de l'autre chanteur tout aussi présent et des autres musiciens, pour une formule toujours compacte, révélant peut-être une volonté d'exprimer musicalement la fraîcheur hardcore des débuts. Le public ne s'y trompe pas, ça sent l'intarissable complicité, comme au premier jour: Do Or Die! Le site est vivant.



Quelque peu charrué aussi! Dans le bon sens car il est question de durée dans une nuit qui s'enfonce. Fusion Bomb
Fusion Bomb


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n'en a cure. Pratiquement inconnus ici, s'en tenir au nom de cet autre groupe luxembourgeois de la soirée pourrait tromper. Mais dès les premières salves, on comprend que c'est à travers leur crossover trash qu'on va subir l'assaut final. Tant pis pour les déserteurs de l'heure. Ils auraient pourtant trouvé regain d'entrain sans autre artifice qu'une impressionnante mixture de riffs speed, breaks, moshparts aussi lourdes que groovy, beatdowns et autres chœurs généreux. Tout y passe sans que jamais ne s'arrête le mouvement scénique et la maîtrise de ce quatuor dévastateur. À suivre. Et je l'affirme autant aux amateurs de missiles qu'à des fans de Slayer, Testament ou Exodus.



On se congratule une dernière fois, simplement. On en tire une dernière derrière les fûts, les muscles quelque peu échinés mais toujours prolongés par un sourire et le clin d'œil satisfait. Plus que jamais cette année, malgré une affluence sans doute amoindrie par les conditions climatiques et de société, subsistait cette saveur offerte sur un plateau, nourrie par l'abnégation sans failles de l'équipe organisatrice. En espérant qu'à l'heure des comptes, s'augurera toujours la possibilité de proposer cet espace qui génère l'essence même et la flamme sans s'encombrer d'artifices. Car pour dix euros et huit de moins pour la boisson, quelle aubaine stimulante de pouvoir renouer aux joyeusetés festivalières et faire corps avec une affiche proposant des groupes de qualité (certes clairement typée, sans pointures d'envergure racoleuse ou d'ovni innovants) à la faveur d'un site et d'une scène inamovible mais toujours encline à  perpétuer le mouvement. RESPECT!


Merci à NUTS Radio et Serge Lepère pour les photos.
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► COMMENTAIRES

ANNE - 10-09-2021, 08:25
une belle chronique hommage sur ce festival génialissime . Longue vie à lui d'ailleurs! qu'il continue à faire vibrer les cordes vocales, les guitares -basses et batteries de tous ces merveilleux groupes métalleux, punk-rock ..
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