Reportage

Meshuggah / Zeal & Ardor : Keep The Lights On !

Bruxelles (Ancienne Belgique), le 23-05-2022

Vendredi 27 mai 2022



Woaw… Comment dire ? Difficile à dire… Etincelant ? Non, trop caricatural ! Brutal ? Non, trop évident ! Subliminal ? Un peu trop pompeux… Les qualificatifs pour décrire ce à quoi nous avons assisté ce lundi soir au cœur d’une Ancienne Belgique pleine à craquer paraissent bien compliqués à exprimer… La faute à un Meshuggah
Meshuggah


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au sommet de son art venu défendre son tout récent « Immutable » sorti en avril dernier. Immuables, nos Suédois ? Pas certain que le propos soit tout à fait adéquat tant les nouveaux morceaux paraissent bien plus accessibles et mélodiques que par le passé. Faut-il sans doute y voir un pied de nez manifeste à celles et ceux qui pensent désormais à tort que le combo nordique se complait dans un style alambiqué et sans réelle évolution ? Délibérément axé sur la pulsation perceptible à l’oreille nue, ce nouvel opus hors-norme fait entrer les natifs d’Umeå dans une tout autre dimension, bien plus atmosphérique cette fois-ci. À l’aide d’une scénographie et d’un light-show de haute voltige, le groupe a offert à l’assemblée un concert clinique, résolument hypnotique et intense de bout en bout. Mais il serait bien impoli de taire la prestation de Zeal & Ardor
Zeal & Ardor


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, qui, à l’aide d’un son cristallin, a lancé les hostilités de la meilleure manière qui soit !


La longue file qui se dresse sur le piétonnier du Boulevard Anspach en dit long sur l’attente et surtout l’impatience des fans venus se masser à l’entrée de l’Ancienne Belgique. Preuve s’il en fallait une que la majorité de l’assemblée ne voulait surtout pas rater la moindre miette du spectacle proposé par nos deux hôtes du soir. Dire que Zeal & Ardor
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bénéficie d’un succès grandissant depuis cinq ans est un euphémisme tant la bande à Manuel Gagneux paraît à juste titre omniprésente sur les scènes mondiales. Avec un troisième album (éponyme qui plus est) sous le bras, est-il juste de dire que le groupe est arrivé à pleine maturité ? Nous ne sommes pas loin de le penser. Certes, la recette consistant à mélanger savamment blues, soul, black metal et gospel a eu l’occasion de faire maintes fois ses preuves et n’est d’ailleurs plus à démontrer. Mais quand nos amis helvètes décident de faire évoluer leur musique dans des zones encore inexplorées (techno, pop voire noise), on se dit que le goût et la consistance n’en sont en rien altérés, que du contraire même ! C’est donc devant un beau parterre de spectateurs que la formation prend place sous son lumineux logo (le fameux sigil de Lucifer agrémenté des lettres « Z » et « A ») et adopte d’entrée de jeu une approche sensiblement différente que par le passé en entamant un premier morceau résolument rock malgré quelques relents blues (Church Burns) rapidement suivi d’une ode à leurs influences djent (Götterdämmerung) en guise de premières et sauvages offrandes. Si le début peine à emporter l’assemblée, il faut attendre le dansant Row Row pour que les choses sérieuses se mettent en place. Techniquement irréprochables, les harmonies vocales engendrées par l’ami Manu et ses deux compères Marc Obrist et Denis Wagner sont une nouvelle fois à souligner pour leur justesse et leur intensité. Ce dernier, particulièrement sautillant pendant ses temps de pause vocale, n’en finit pas de gigoter tel un jeune Gaulois à qui l’on aurait donné une louche de potion magique, moustache non comprise.



Si le band ralentit le tempo pour Gravedigger’s Chant, une certaine mise en danger arrive pour la suite et ce Run au rythme percussif, presque techno, énième démonstration de la nouvelle et rafraîchissante personnalité dont veut faire preuve le groupe. C’est brut, désordonné mais terriblement accrocheur. Le son est limpide, d’une pureté sans pareille et le tout s’enchaîne à folles enjambées avec notamment We Can’t Be Found et ses riffs death-thrash défaillants ou encore Trust No One (paru sur le récent EP « Wake of a Nation ») et ses explosions retentissantes de fureur profonde, très certainement le morceau le plus doom de l’Histoire du groupe. Joyeusement blasphématoire (ah bon ?), on poursuit dans une veine black mais aux gimmicks légèrement indus’ (coucou Korn !) avec Death To The Holy aux synthés ténébreux. C’est une évidence que les néo-classiques que sont Don’t You Dare et Devil Is Fine recueillent les meilleurs points à l’applaudimètre et on s’étonne presque des excuses de Manuel Gagneux nous indiquant qu’il n’est pas trop en voix ce soir avant que celui-ci n’incite la foule à scander avec lui ces refrains pas très catholiques… Le cogneur Marco Van Allmen se montre particulièrement impressionnant sur le final avec en tête de gondole Feed The Machine qui débute sur un mode assez spirituel avant de se transformer en un mantra techno-thrash diabolique et dévastateur. Et que dire de I Caught You aux relents blackgaze et aux beats mécaniques juste comme il faut, sans aucun doute un futur tube en devenir. C’est avec le traditionnel Baphomet final que le groupe tire sa révérence bruxelloise au bout d’une heure de show et devant une salve d’applaudissements nourris. Les sourires sur les visages de nos protagonistes en disent long. Unique compositeur et tête pensante du projet ‘Z&A’, Manuel Gagneux peut dormir sur ses deux oreilles, son bébé n’a pas fini de sauter sur les genoux de Tonton Satan. Ils seront sous le Metal Dome du Graspop le vendredi 17 juin prochain.



Tandis que les roadies s’affairent à changer le plateau et que notre leader à la coupe afro reçoit une dernière ovation, les enceintes de l’Ancienne Belgique se mettent à diffuser les plus grands morceaux de l’Histoire du Metal… en version 8 bits. Une manière amusante de faire patienter le public qui tente de reconnaître le plus vite possible ces hymnes de Pantera, Megadeth ou encore Twisted Sister retranscrits à la sauce Mario Bros. Et quelques minutes avant l’entrée en scène des cadors nordiques, nous avons même droit au Careless Whisper de George Michael, excusez du peu !

Peu de groupes peuvent se targuer d’être les pionniers d’un genre musical en particulier… Nous ne rentrerons pas dans un débat visant à savoir si le djent est bien un courant musical à part entière mais il semble clair que Meshuggah
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a su découper parcimonieusement les contours du metal progressif pour s’accaparer un son bien distinctif empruntant autant au metalcore qu’au death technique. Il a su faire sien un composé de riffs syncopés et de polyrythmes complexes créant par la même occasion une certaine façon de jouer, de sonner, d’exister. Après 35 ans d’expérience et de succès jamais démenti, Jens Kidman et ses compagnons de route ont-ils fait le plus gros ? La véritable question à se poser est plutôt « Ont-ils toujours l’envie de se dépasser et de ne pas s’embourber dans une certaine routine ? » ! Eh bien la réponse est : Oui, oh oui oui oui alors là je dis oui ! ©un certain Julien L.

Ne laissant rien au hasard, à l’image de leur musique fulgurante, le groupe va proposer LE show parfait, travaillé dans les moindres détails et d’une précision chirurgicale. Mais cela, nous ne le savions pas encore…



Les lumières s’éteignent sur le coup de 21h00 plongeant la salle dans l’obscurité la plus totale. Des basses menaçantes tentent alors de se frayer un chemin pendant que le nom du groupe est scandé d’une seule voix par une foule compacte et bien décidée à montrer son attachement avec vigueur. Soudain, un mur de son massif tout droit sorti des abîmes vient martyriser nos tympans, il est désormais trop tard pour reculer… On devine alors 4 silhouettes absolument statiques éclairées par de brefs et rudes lights hypnotiques. D’entrée de jeu, on balance la sauce avec Broken Cog aux riffs martiaux et à la basse rutilante. Le batteur Thomas Haake, juché sur une plateforme surélevée, se transforme en une véritable pieuvre, déroulant les signatures rythmiques avec une facilité déconcertante tandis que Jens Kidman représente la menace silencieuse qui, par ses chuchotements, vous amadoue et vous met en confiance avant de vous prendre à la gorge sans avoir eu le temps de lever le petit doigt. L’enchaînement avec Light the Shortening Fuse est limpide avec ici un magnifique exemple de subtilité musicale, de progression régulière et de dosage prudent. Le tout est délivré de manière extrêmement serrée mais il ne faut pas attendre bien longtemps avant d’apercevoir les premiers slams d’un public n’ayant déjà plus les pieds sur Terre. Sur Rational Gaze, Fredrik Thordendal fournit le contrepoint mélodique parfait avec des solos qui certes déconstruisent quelque peu le groove ambiant mais qui injectent par la même occasion une toute nouvelle dimension à ce dernier. C’est de l’orfèvrerie pure. Les plus fins connaisseurs en profitent pour entonner les couplets de Pravus avant que The Hurt That Finds You First ne dégaine le prochain uppercut malgré un léger break. Tout est parfaitement synchronisé avec des jeux de lumière dignes des plus grands (Jean-Michel Jarre, tu peux aller te rhabiller !). Vient ensuite l’incroyable Ligature Marks, son riff mécanique titanesque et sa ligne de basse galopante dont le rendu live est tout simplement époustouflant et on reste dans le même mood pour Born In Dissonance avant une pause plus que bienvenue tant l’intensité dégagée sur scène est lourde et a un impact non négligeable sur l’auditoire.



On nous envoie ensuite Mind’s Mirror dont l’intro à la voix robotique, la basse vrombissante et les lights d’un vert d’outre-tombe renforcent un peu plus ce sentiment de froideur mais d’une beauté sublime. La doublette In Death - Is Life/In Death - Is Death voit la scène changer de costume, ça suinte le malaise version ‘home cinema’ à outrance. Mais c’est tellement bon ! Arrive alors ce qui sera personnellement notre highlight du show : The Abysmal Eye, l'un des singles du dernier album, contrepoint parfait mettant en avant des rythmes explosifs époustouflants ainsi qu’un riff répétitif croustillant, bourré de réverbérations doom. Une performance magistrale des deux guitaristes Mårten Hagström et Fredrik Thordendal soutenus par la basse destructrice de Dick Lövgren et qui provoque d’ailleurs un mosh pit des plus honorables. On nous annonce que l’éclairagiste a perdu 3 litres de sueur suite à cette performance de haut vol. Hypnotisé.e.s, aveuglé.e.s, livré.e.s à nous-mêmes suite à cette déflagration de violence maîtrisée, nous retrouvons notre chemin grâce aux remerciements chaleureux de notre leader barbu. Straws Pulled At Random survole alors l’assemblée tel un avion à réaction dont la mitrailleuse implacable se charge d’abattre les derniers résistants. Impitoyable de bout en bout, Meshuggah
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joue chaque morceau comme si c’était le dernier… Le rappel avec le classique Demiurge et l’apothéose Future Breed Machine ne sont qu’une formalité, un dernier baroud d’honneur décapant, une dernière salve paralysante de guitares cyniques.



Ce soir, Meshuggah
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a tout écrasé sur son passage, mais il l’a fait de manière méthodique, méticuleuse, ordonnée. D’une technicité sans pareille, les Suédois continuent d’assumer leur modernité tout en restant sur les bases traditionnelles qui ont fait son succès depuis tant d’années. Et paradoxalement, après un tel matraquage, c’est un sentiment de gratitude qui prédomine ! D’une précision mathématique, la multitude a trouvé son dominateur commun…

Remerciements à l’Ancienne Belgique




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AUTEUR : Panda
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, pas...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...
Mordu de concerts depuis de nombreuses années, Panda aime écumer les salles, clubs et festivals de tout le pays. Bibliothécaire-documentaliste, passionné d'Histoire, de théâtre, de bande dessinée et de football, il est très (voire trop) éclectique dans ses goûts musicaux (metal/rock mais aussi pop, folk, new wave, electro). Il a rejoint l'équipe de SMA en février 2016 en tant que chroniqueur de concerts désireux de partager ses expériences live ! ...

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