Reportage

Echo & The Bunnymen : On recule les heures...

Bruxelles (Ancienne Belgique), le 03-04-2024

Vendredi 5 avril 2024

En ce premier mercredi d’avril, les cloches et lapins de Pâques avaient une dernière surprise à offrir à une Ancienne Belgique pleine à craquer : Echo & The Bunnymen

Echo & The Bunnymen

Clique pour voir la fiche du groupe

(ça ne s’invente pas), l'un des groupes britanniques les plus influents de l'Histoire, a électrisé une salle comble à l’aide d’une performance plus qu’honnête et forcément empreinte d’une certaine nostalgie. Les nombreux fans, avides de retrouver l'atmosphère envoûtante des années 80, ont donc afflué dès l'ouverture des portes, témoignant ainsi de l'attente fiévreuse qui entourait cet événement pourtant loin d’être rare en nos contrées. Formé en 1978 par le charismatique Ian McCulloch et son acolyte Will Sergeant, Echo & The Bunnymen

Echo & The Bunnymen

Clique pour voir la fiche du groupe

a su capturer l'essence même du post-punk avec une authenticité indéniable, optant pour des sonorités de guitares grinçantes plutôt que de suivre la tendance des synthétiseurs qui dominaient les radios et les clubs en pleine vague ‘new wave’. Malgré les affres d’une carrière composée de hauts et de bas, les deux compères sont restés les piliers inébranlables de la formation liverpuldienne, portant fièrement le flambeau de leur musicalité unique qui s'étend désormais sur plus de quatre décennies : un mélange audacieux d’énergie punk combinée à des mélodies pop accrocheuses et à des incursions hard rock, défiant toute catégorisation mais trouvant une résonance instantanée dans le cœur des auditeurs. Cette tournée intitulée ''Songs To Learn And Sing'' fait écho (huhuhuhu) à leur toute première compilation parue en 1985. Des chansons à apprendre et à chanter donc… Il ne restait plus qu’à savoir si le public avait bien révisé ses leçons pour le grand test…

En débarquant dans la salle, votre serviteur fait inévitablement chuter la moyenne d’âge d’une traite, ce qui est, avouons-le, loin d’être une surprise. Mais qu’à cela ne tienne, les discussions d’avant concert restent toujours une opportunité d’en apprendre un peu plus sur ce qui a amené le public et, en ce qui nous concerne, toute une génération à apprécier nos légendes de ce soir. Mais place tout d’abord à l’opening act ! Vous prenez Annie Lennox (Eurythmics), Shirley Manson (Garbage

Garbage

Clique pour voir la fiche du groupe

) et Alice aux Pays des Merveilles que vous passez au mixer, vous secouez bien fort et vous obtenez Erica Nockalls qui va nous servir une pop technoïde à grands coups de boîtes à rythmes, de riffs de guitare saillants et d’un chant bourré d’effets stridents. On oscille entre folie bruitiste et mélancolie expérimentale. Un son synthétique et granuleux associé à l’utilisation d’un violon peu conventionnel qui laisse le public entre fascination et perplexité. Avec un soupçon de folie, rappelant un Cocteau Twins qui aurait été revisité par Tim Burton, la belle blonde (qui officie également dans The Wonder Stuff ainsi que dans The Proclaimers en tant que violoniste live) et Jean-Charles Versari, son partner in crime, démontrent une complicité évidente tout au long de la performance. Le set se termine par une ballade éthérée aussi touchante qu’étrange. Sinistre et à la fois intrigant, ce récital pose toutefois la bonne ambiance et est la juste mise en bouche avant ce qui nous attend par après...

C’est une véritable purée de pois qui envahit la scène sur le coup de 20h30. De mystérieux chants grégoriens se font alors entendre et on en vient à se demander si l’on ne s’est pas trompé d’église pour la suite des célébrations… L’épais brouillard se dissipe quand le band entame sa montée sur scène et le leader Mac (tignasse ébouriffée, lunettes noires et blouson serré) adresse un bref salut à l’assemblée avant de prendre place derrière son micro. Le concert démarre en trombe avec Going Up pour lequel la guitare écorchée de Sergeant dialogue avec la voix fantomatique de McCulloch sous couvert d’une section rythmique à l’allure de fanfare en délire. Et voilà déjà que deux premiers constats sont à dresser : tout d’abord, l’ensemble des photographes paraît avoir été relégué aux arrière-postes puisqu’on ne distingue plus aucun objectif aux premiers rangs (sûrement une consigne du groupe ne souhaitant pas se voir mitraillé sous des angles peu avantageux). Ensuite, on a affaire à un son extrêmement limpide et précis, presque cristallin, ce qui reste fort agréable malgré l’approche très percutante de ce début de show notamment sur All That Jazz et cette batterie pétillante à l’extrême. Des guitares pincées à la manière d’un staccato, atypiques du son post-punk de l'époque et dans lesquelles on retrouve quelque peu l'esprit de Gang of Four

Gang of Four

Clique pour voir la fiche du groupe

. Avec la voix tourmentée de McCulloch résonnant dans toute la salle, la transition est marquée lorsque nos amis anglais nous envoient de délicates Flowers aux accents grunge prononcés, le tout porté par un duo basse-batterie très lounge dans son approche. La performance de Mac prend une tournure plus chantée, ne le faisant certainement pas dévier de son stoïcisme exacerbé dont il fait preuve jusqu’à présent. Certes, le gaillard tentera quelques dialogues avec le public mais ceux-ci seront difficilement saisissables tant son accent ‘scouse’, typique de la Merseyside, est loin d’être aussi clair que l’eau de roche. Vient ensuite un ‘incontournable’ en la personne de Rescue, l'un des premiers grands succès du groupe et dont l’intro si distinctive fait légèrement sortir le public de sa léthargie. En effet, même si le taf est excellemment exécuté, l'atmosphère est plutôt empreinte d'une certaine quiétude, l’audience semblant difficile à captiver de bout en bout. Mais forte de cette énergie nouvelle, la formation en profite pour placer un inédit de circonstance intitulé Brussels Is Haunted qui se révèle être une pièce chargée en émotion surtout à la lumière de la signification spéciale qu'entretient la capitale belge, celle-ci ayant été le premier lieu en dehors du Royaume-Uni où le groupe a foulé les planches lors de leur tournée inaugurale. On navigue en eaux bowiesques et c’est absolument divin ! Et tout cela avant d’être happé par le spectre du grand Velvet avec l’avant-gardiste Villiers Terrace narrant la triste réalité d’une époque hantée par les ravages de l’héroïne dans la ville de Liverpool.

La nostalgie des années 80 se prolonge à travers les sonorités du déchirant All My Colours (Zimbo) qui s’enchaîne à merveille avec le plus disco mais néanmoins robuste Never Stop, rythmé par la batterie exceptionnelle de Simon Finley, remplissant admirablement le rôle laissé vacant par le regretté Pete de Freitas, disparu dans un accident de moto il y a bientôt 35 ans. Pour l’anecdote, il ne fait pas bon être amateur de bolides à deux roues dans la famille des Bunnymen, puisque, triste ironie du sort, le claviériste Jake Drake-Brockman décèdera lui aussi dans les mêmes circonstances en 2009, fermeture de la parenthèse. Un formidable condensé des Talking Heads, ESG et Devo

Devo

Clique pour voir la fiche du groupe

savamment filtré pour n’en garder que la substantifique moelle et qui donne ainsi cette formidable fusion de grooves irrésistibles et de mélodies entêtantes, de quoi faire vibrer une discothèque entière aux petites heures. Il apparaît assez clair que des formations telles que Friendly Fires, LCD Soundsystem

LCD Soundsystem

Clique pour voir la fiche du groupe

ou encore Arcade Fire

Arcade Fire

Clique pour voir la fiche du groupe

ont bien suivi le chemin tout tracé par papa Bunny. Une première et vive clameur se fait alors entendre lorsque retentit l’intro de Bring on the Dancing Horses, un hymne dont de prestigieux groupes du Nord-Ouest de l’Angleterre à l’instar des Doves et The Verve se feront une joie de calquer les moindres recoins, témoignant une nouvelle fois de l’influence que la bande de Liverpool a pu exercer sur la nouvelle génération de rockeurs à venir. Mac s’arrête net afin de laisser son public scander le premier refrain mais ce dernier, pris de court, ne suit pas vraiment le mouvement. Pas de bol… Fort heureusement, la suite sera tout de même à la hauteur et rassurera un McCulloch légèrement surpris et désappointé de ne pas avoir eu les retours escomptés. Après une pause d’un quart d’heure top chrono (le temps de recharger les batteries au sens propre comme au figuré), le deuxième set débute avec le puissant Show of Strenght dont le mariage basse-batterie évoque les territoires sonores d’un Public Image Ltd

Public Image Ltd

Clique pour voir la fiche du groupe

surdynamité, suscitant une véritable effervescence parmi les spectateur.trices. Serait-ce l’effet bénéfique de ce léger break ? Au tout cas, l’auditoire semble baigner dans une douce euphorie après un embrasant Over The Wall rapidement suivi de l’exaltant Seven Seas et cette ligne de basse étincelante serpentant avec précaution la toile sonore tissée par l’ensemble du groupe. Le chant teinté de nostalgie glisse sans effort sur cet arrière-plan musical envoûtant et c’est tout simplement prodigieux ! Avec la chanson Nothing Lasts Forever, nous voici transporté.e.s en pleine folie Britpop accueillie comme une douce brise qui aurait voyagé depuis les nineties. La cerise sur le gâteau viendra des fragments du Walk On The Wild Side de Lou Reed, habilement intégrés à l’ensemble et invitant chacun.e à entonner ce mythique bout d’Histoire du Rock. On sent que la dernière ligne droite est en approche... La scène se pare de sa plus éclatante couleur rouge alors que Mac et ses compères entament Heads Will Roll dont le refrain puissant incite la foule à se déhancher sans vergogne. Un enchevêtrement admirable et tourbillonnant de riffs aux accents orientaux, parsemé çà et là de sonorités indiennes. Un spectre musical aussi large que complet qui finit par être mis à nu lorsque se manifeste le très funky Bedbugs and Ballyhoo, évoquant ces envolées d’orgue électrique fantasmées par les Doors.

Les guitares latines reconnaissables entre mille de The Killing Moon résonnent alors et la majeure partie du public retrouve une cure de jouvence tant attendue ! À partir de là, c’est une dernière valse de classiques intemporels qui nous est offerte. Ouvrant cette dernière danse, The Cutter voit McCulloch susurrer son couplet en prenant cette voix typiquement rauque avant de se lancer dans un refrain vibrant et enveloppé d'une réverbération enfumée. Le bassiste Stephen Brannan, le batteur Simon Finley, le guitariste rythmique Peter Riley et le claviériste Mike Smith accompagnés de leurs deux mythiques homologues quittent une première fois l’assistance avant de poursuivre par une version extra-large de Lips Like Sugar qui voit notre Ian pousser ses cordes vocales dans des retranchements dangereux. C’est qu’à bientôt 65 ans, sa voix atteint encore des notes qui feraient pâlir nombreux de ses contemporains. On lui pardonnera donc quelques petites imprécisions en cette fin de show. En contemplant le band s’en allant rejoindre à nouveau la noirceur des coulisses, on est en droit de penser que le spectacle est terminé ! Que nenni ! Ils nous reviennent afin de poser la note finale qu’est cette délicate Ocean Rain délicieusement contemplative. La foule acclame une dernière fois les responsables de cette merveilleuse soirée à graver d’une pierre blanche.

Ce concert d'Echo & The Bunnymen

Echo & The Bunnymen

Clique pour voir la fiche du groupe

à l'Ancienne Belgique était bien plus qu'une simple rétrospective de leur carrière… Ce fut une démonstration éclatante de leur influence et de leur pertinence dans l'industrie musicale. Même si tout ne fut pas parfait, le groupe aura offert une prestation généreuse et d’une musicalité sans pareille aux chanceux·ses qui se trouvaient là… Le public, qui aura mis un certain moment avant de se mettre dans les bonnes conditions, s’en ira retrouver son quotidien… gardant en tête ces mélodies obsédantes pendant de longs moments encore…

Remerciements à l’Ancienne Belgique

Textes et photos : Panda

TU AS AIME ? PARTAGE !