Reportage

The Libertines, de la vieille Angleterre à l'Ancienne Belgique

Bruxelles (Ancienne Belgique), le 03-02-2025

Mercredi 5 février 2025



S’il existe un groupe incarnant à la fois la désinvolture, l’insouciance et une jeunesse éternelle défiant les affres du temps, ce sont bien les Britanniques de The Libertines. Plus de vingt ans après leurs débuts tumultueux, le quatuor mené par les inséparables ennemis Carl Barât et Pete Doherty continue de fasciner par sa musique et son mythe autodestructeur. Véritables enfants terribles du rock anglais des années 2000, ils ont défrayé la chronique autant qu’ils ont marqué une génération. Entre querelles explosives, concerts avortés, appartements saccagés, scandales en série et descentes aux enfers sous l’œil avide des tabloïds, The Libertines ont bâti leur légende sur un équilibre aussi fragile que captivant. Avec Up the Bracket (2002) et The Libertines (2004), ils ont hissé leur rock poétique et romantique au sommet avant de sombrer, victimes de leur propre chaos. Une ascension fulgurante, un crash spectaculaire… et pourtant, ils sont toujours là.

Après leur reformation en 2015 et la sortie d’Anthems for Doomed Youth, The Libertines ont retrouvé une certaine stabilité, notamment sur scène, où leurs performances restent énergiques et fidèles à leur réputation. Pourtant, au fil des années, le groupe s’est fait plus discret, laissant planer le doute sur son avenir. Ce silence relatif a été brisé en 2022 avec la sortie d’un remaster de Up the Bracket à l’occasion de son 20? anniversaire, un hommage vibrant à leur premier coup d’éclat. Cette célébration a culminé avec un passage mémorable au Cirque Royal en Belgique, une soirée qui a gravé mon esprit de son empreinte dorée. Mais c’est en 2024 que The Libertines réaffirment pleinement leur place dans le paysage musical avec All Quiet On The Eastern Esplanade. Ce nouvel album marque un retour aux sources, imprégné du charme brut et poétique de leurs débuts, mais sans les excès qui menaçaient autrefois de les engloutir. À travers ses 11 titres, l’enthousiasme de Pete, Carl, John et Gary est palpable : on sent le plaisir sincère de créer ensemble, loin des querelles et des turbulences du passé. Les mélodies évoquent avec justesse la fougue des hymnes qui ont bercé l’adolescence anglaise du début des années 2000.

Composé en grande partie en Jamaïque et enregistré à Margate, cet album incarne, selon Barât et Doherty, un “rare moment de paix” et une harmonie inédite au sein de The Libertines, jamais aussi pleinement ressentie sur leurs précédents disques. Les mauvaises langues diront qu’ils ressassent leur gloire passée, que leur retour sonne comme un anachronisme dans un monde où le rock peine à retrouver sa superbe. Pourtant, ils ne se limitent pas à la nostalgie et relancent une machine longtemps mise en veille. Un train qui, après des années d’errance, reprend enfin son chemin.

Il fallait se dépêcher pour décrocher une place pour leur passage à l’Ancienne Belgique ce 3 février. Le concert affiche sold out depuis quelques semaines déjà. Lundi oblige, seuls certains curieux sont présents pour la première partie du duo de Birmingham, GANS. Une grosse basse distordue aux aigus bien boostés et une batterie saccadée au rythme militaire caractérisent le son des deux gaillards. Les influences et comparaisons sont évidentes à établir, on y reconnaît une énergie à la Soft Play qui aurait mangé du Royal Blood
Royal Blood


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au petit déj. Amusant, mais n’aura pas vraiment marqué les esprits.

Place ensuite à leurs compatriotes Luvcat de Liverpool. La salle est comble à cette heure-ci, les plus malins tentant déjà de se positionner avantageusement pour la venue des libertins. Luvcat, mené par sa chanteuse charismatique Sophie Morgan, rappelle sans conteste Amy Winehouse à l’esthétique, mais propose un rock plus alternatif. Le public est immédiatement envoûté par les mélodies romantiques et la présence scénique Betty Boop-esque de la chanteuse. Après une trentaine de minutes, le public est conquis mais trépigne d’impatience pour la suite.

The Libertines débarquent en grande pompe sous un tonnerre d’applaudissements, tandis que le gros chien de Pete fait tranquillement le tour de la scène. Pas de temps à perdre : le concert s’ouvre sur The Delaney, immédiatement repris en chœur par les fans les plus dévoués, bondissant d’un pied à l’autre. Et si l’on se demandait encore What Became of the Likely Lads (qui suit dans la foulée), la réponse saute aux yeux : pas grand-chose n’a changé… si ce n’est quelques centimètres en plus sur le tour de taille de Pete. Celui-ci affiche un visage sain et souriant sous son chapeau. Carl comme à l’accoutumée, semble avoir des fourmis dans les chaussettes. John reste impassible, les pieds marquant un angle parfait de 90°. Gary est la force tranquille qui maintient l’horloge ajustée.


Pas de répit avec Up The Bracket et Boys in the Band, avant Night of the Hunter, ballade poignante comptant les actes d’un malheureux au sort inéluctable, sur une mélodie mêlant Le Lac des Cygnes de Tchaikovsky et un air de western. La ferveur retombe un peu sur le doux What Katie Did, suivi de The Good Old Days et Baron’s Claw, avant de repartir de plus belle avec Vertigo.

Ne pas voir Pete et Carl partager le même micro, ce serait comme voir un vieux couple dormir dans des lits séparés. Mais la relation entre les deux chanteurs-guitaristes est à nouveau symbiotique, tant ils rebondissent rythmiquement en parfaite unisson. Une camaraderie qui fait chaud au cœur.

Carl, à l’allure d’aristochat, saute derrière un vieux piano dépareillé pour entamer la mélodie de Shiver, les mains rebondissantes sur un morceau servant, selon les dires de Pete, d’hommage à Elisabeth II. Transition assez logique sur le supposé patriotique Merry Old England, sur les réalités migratoires vers le Grand Albion. Death on The Stairs pour un retour 20 ans en arrière, avant Music When The Lights Go Out et You’re My Waterloo pour briser les cœurs les plus fragiles dans la salle.

Le concert entre dans son dernier acte avec Horrorshow, qui ravive la flamme de ceux dont la sueur avait eu le temps de sécher.. Avant de se prendre coup sur coup Run Run Run et son refrain incroyablement entraînant, hit absolu du dernier album, et Can’t Stand Me Now, l’hymne intemporel qui résume à lui tout seul le phénomène des Libertines. Un rappel plus qu’attendu viendra délivrer le coup final avec Gunga Din, Songs They Never Play on The Radio, Time For Heroes et Don’t Look Back Into the Sun.

Rares sont les groupes capables de saisir avec autant de justesse l’essence d’une époque révolue, d’en restituer non seulement l’esthétique sonore, mais aussi l’état d’esprit, entre illusions et désillusions. The Libertines incarnent cette capacité rare à faire renaître, le temps d’une chanson, l’insouciance et la spontanéité d’une jeunesse bercée par des idéaux romantiques, entre révolte douce et désenchantement latent. Ils nous replongent dans une ère où tout semblait plus simple, plus candide, où l’amitié, la musique et l’urgence de vivre primaient sur le reste. Une époque où les nuits étaient pleines de promesses et où l’avenir, encore flou, s’écrivait au gré des excès et des rêveries.
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AUTEUR : Piet
Amateur de punk et d'indie, tu peux croiser Pierre au détour d'une salle bruxelloise buvant son verre tranquillement dans un coin, ou au milieu du mo...
Amateur de punk et d'indie, tu peux croiser Pierre au détour d'une salle bruxelloise buvant son verre tranquillement dans un coin, ou au milieu du mosh pit. Toujours à l'affût des sorties alternatives et DIY, il espère te faire découvrir des perles avec ses chroniques d'albums et te faire vivre ses concerts au travers de live reports détaill...
Amateur de punk et d'indie, tu peux croiser Pierre au détour d'une salle bruxelloise buvant son verre tranquillement dans un coin, ou au milieu du mosh pit. Toujours à l'affût des sorties alternatives et DIY, il espère te faire découvrir des perles avec ses chroniques d'albums et te faire vivre ses concerts au travers de live reports détaillés....
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Amateur de punk et d'indie, tu peux croiser Pierre au détour d'une salle bruxelloise buvant son verre tranquillement dans un coin, ou au milieu du mosh pit. Toujours à l'affût des sorties alternatives et DIY, il espère te faire découvrir des perles avec ses chroniques d'albums et te faire vivre ses concerts au travers de live reports détaillés....

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